L’Île du docteur Moreau, de H.G. Wells

      Motivée par le SFFF Challenge, j’ai décidé ce mois de ressortir un dinosaure de ma PAL : L’Île du docteur Moreau de H.G. Wells. L’auteur m’avait déjà un peu refroidie à une reprise, lors de ma lecture de L’Homme invisible que j’avais trouvé manquer cruellement de rythme, ce qui m’avait fait repousser la lecture de ce nouveau roman de l’auteur. Et pourtant, quelle bonne surprise ! L’Île du docteur Moreau commence in medias res, nous attire dans son intrigue mystérieuse et ne nous laisse pas en décrocher. Un petit roman qui se dévore tout simplement.

challenge imaginaire 7HMSFFFÉchoué en pleine mer suite à un naufrage, Edward Prendick est secouru par un navire à la bien étrange cargaison. Il y rencontre Montgomery, son sauveur, et est déposé avec lui sur une île sauvage où l’homme faisait affréter de nombreuses espèces animales. Mais sur l’île, Prendick découvre des faits bien inquiétants : zones interdites, gémissements de douleur intolérables et espèces d’hybrides hommes-bêtes hantent les lieux. Le tout semblant orchestré par le docteur Moreau, un biologiste exilé de Londres suite à ses expériences jugées cruelles sur des animaux. En fuite face à cette folie, Prendick trouve refuge parmi un village d’hommes-bêtes soumis à « la Loi » qu’ils répètent comme une litanie.

Ligne horizontaleMonstruosité & déontologie

       L’Île du docteur Moreau est une histoire de monstre, bien sûr. Mais une histoire de monstres qui offre plusieurs interprétations, comme souvent. Les créatures fabriquées par le docteur Moreau, mi-hommes mi-bêtes (voire davantage encore, parfois), doivent-elles être considérées monstrueuses à cause de leur apparence ? Ou à cause de leur attitude sauvage, incapables qu’ils sont de refouler leurs instincts primaires ? Ou encore, est-ce leur créateur, le seul vrai monstre ? Celui qui torture, qui mutile et qui joue avec la chair comme avec une poupée de chiffon ? Son projet entier est-il monstrueux ? Et ceux qui le laissent faire, alors ? Difficile à dire, en fait. Le roman, profitant de la narration à la première personne de Prendick, reste incertain à ce sujet. Car sans doute n’y a-t-il pas de réponse absolue à tout cela. La monstruosité, en fait, tient surtout au regard qu’on pose dessus. Tour à tour effrayé, empathique ou cruel, celui-ci est une remise en cause permanente qui questionne notre appréhension du monde.

      Et si ce n’est pas tant la nature du monstre qu’on peut définir, c’est au moins notre capacité à le créer. Au final, ce roman pose surtout beaucoup de questions de déontologies, c’est-à-dire des règles et des devoirs qui régissent une profession (ici, celle de biologiste). Jusqu’où pouvons-nous aller au nom de la science ? Nos progrès technologiques et médicaux se font au détriment de règles imposées pour maintenir la bienséance de la société humaine. La cruauté, les tests sur des êtres vivants (comme l’intrusion dans la vie privée, la collecte de données ou tout autre sujet à controverse) sont-ils le prix à payer pour nos avancées ? L’application de ces avancées peuvent-elles pardonner tous les tords engagés ? Ces idées contre lesquelles on se dresse instinctivement sont remises en question. Jamais totalement acceptées, souvent décriées même par le point de vue du narrateur, mais soumises à interrogation face à son expérience nouvelle et encouragées à être questionnées par nous, lecteurs.

Ligne horizontaleLe mot de la fin

        Après une première lecture de Wells en demi-teinte, L’Île du docteur Moreau est une vraie bonne surprise qui me donne envie de découvrir d’autres classiques de la SF écrites par le monsieur (La Machine à explorer le temps et La Guerre des mondes, par exemple). On est dans un récit sans temps mort, qui nous lance dans l’intrigue par sa narration à la première personne et nous plonge dans un mystère à mi-chemin entre l’horreur et la critique sociétale. Un mélange intéressant qui nous rappelle que notre condition humaine est loin de toujours être notre plus belle qualité.

6 réflexions sur “L’Île du docteur Moreau, de H.G. Wells

    • Je sais que c’est l’aspect très technologique qui rebute souvent en SF. L’avantage de revenir aux bases, c’est que ça nous parle d’une technologie clairement obsolète au lecteur d’aujourd’hui, donc qui est loin de nous perdre. Et au final, on se concentre mieux sur l’aspect sociétal, âme humaine, qui est souvent au cœur du propos en SF finalement^^
      Mais si tu veux remonter encore plus loin, Mary Shelley avait presque un siècle d’avance sur Wells avec son Frankenstein ! 😀

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    • Ahah ! C’est pas mal l’idée qu’en gardent les adaptations, mais en vrai Frankenstein est beaucoup plus un roman psychologique. Il y a toujours cette même ambiance gothique sombre qui pose le cadre, mais le reste n’a rien d’horrifique. On s’y interroge plutôt sur ce qu’est un monstre^^

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