Le Livre de Phénix est ma troisième lecture de l’autrice Nnedi Okorafor, toujours en partenariat avec les éditions ActuSF, et toujours un tel régal ! Ce roman se situe dans le même univers que Qui a peur de la mort ? (que j’avais déjà adoré) mais l’histoire est totalement indépendante, alors allez-y sans crainte même pour une première. J’aurais même plutôt tendance à recommander de commencer par ce roman, qui s’inscrit comme une forme de prélude.
Dans un monde où l’humanité a poursuit son ascension technologique, Phénix est une « femme accélérée ». Un cobaye amélioré génétiquement par une grande entreprise américaine pour être utilisée comme une arme de guerre. Mais Phénix reste aussi et avant tout une femme, qui souffre de son enfermement et de ses conditions de vie. Alors lorsqu’elle s’évade, ce n’est pas seulement sa vie qui est bouleversée mais aussi celle de toute l’humanité.

(Trans)humanité & quête d’identité
Au sein de la Tour 7, Phénix et ses compagnons sont des humains améliorés : ils ont été modifiés génétiquement pour acquérir des capacités surhumaines. Souvent rêvée en science-fiction, cette transhumanité semble l’évolution logique de l’humanité : à partir du moment où la technologie est suffisamment avancée, elle peut être la solution aux limites imposées par le corps humain. Pourtant, dans ce roman, cette étape de l’humanité semble aussi marquer sa fin. Car la transhumanité conduit à la perte même de l’humanité. Non pas pour les personnes modifiées, cobayes innocents et subissants, mais pour les personnes qui les modifient à des fins militaires, sans aucun sens des valeurs ou de l’éthique de la recherche. Dans son roman, Nnedi Okorafor confronte finalement le berceau de l’humanité et son cercueil. Du continent africain au continent nord-américain, l’intrigue du Livre de Phénix semble retracer en sens inverse le chemin inverse d’une humanité qui a connu le meilleur avant de commettre le pire. Une humanité qui semble s’être lentement dégradée jusqu’à oublier tout sens moral, au profit seul de l’horreur.
Si elle est un peu caricaturale, la peinture n’en est pas moins saisissante : nous découvrons d’une part une Afrique sub-saharienne vivant dans des traditions d’entraide et de solidarité et d’autre part une Amérique du Nord rongée par le profit et la guerre, déshumanisée et violente. Deux mondes qui s’opposent frontalement mais qui sont unis par ces personnes, encore profondément humaines, qui naviguent entre deux continents et rêvent d’un retour aux sources libérateur. Un retour aux sources qui leur est nécessaire pour pouvoir se retrouver elles-mêmes, savoir qui elles sont et, surtout, pourquoi elles sont. Modifiées comme elles le sont, déconnectées en partie de l’humanité par leurs capacités transhumaines, ces personnes ont besoin de retrouver des personnes qui leur ressemblent, loin de la folie de ceux qui les ont créées.

Le mot de la fin
Encore un très beau roman signé Nnedi Okorafor, qui nous fait voyager des États-Unis à l’Afrique sub-saharienne pour une épopée destinée à chambouler toute l’humanité. Un livre pré-apocalyptique qui démontre par la fiction comment le pire comme le meilleur peuvent sommeiller en nous.
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