Je suis ta Nuit, de Loïc Le Borgne

Je ne savais pas dans quoi je me lançais avec Je suis ta Nuit, de Loïc Le Borgne. Et ce livre m’a profondément bouleversée dans ses 3 derniers chapitres. Tout le roman m’a fait lire une histoire d’enfance qui tourne au drame, entre horreur et fantastique. La conclusion, que j’aurais pu voir venir si j’avais été attentive aux indices, m’a prise au cœur et au dépourvu. Un drame social que je ne veux pas vous spoiler mais vous recommander vivement.

cli8-1-2 - CopieLorsqu’il était enfant, Pierre a vécu un été de tous les cauchemars. Devenu adulte, il raconte à son fils adolescent en deuil comment il a, un jour, affronté le Bonhomme Nuit avec ses amis. Un personnage de noirceur qui tue les adultes et entraîne les enfants dans les ténèbres. Un personnage de cauchemar, mais bien plus ancré dans la réalité qu’on ne pourrait le penser.

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De la réalité au cauchemar

L’histoire nous est racontée du point de vue de Pierre, un père qui se remémore son enfance dans les années 80. L’auteur joue donc, d’emblée, avec une double chronologie : l’adulte avec son recul à notre époque et l’enfant pris dans l’action du passé. Pour marquer cette double chronologie, l’auteur force d’ailleurs un peu beaucoup le trait, au début, avec ses références très (trop ?) présentes à Goldorak, Star Wars et autres figures emblématiques des années 80. Pourtant, très vite, le procédé fonctionne : on est plongé dans une enfance typique, un peu banale, mais immersive et favorable à l’identification. Même sans avoir grandi dans les années 80, je me retrouvais facilement plongée dans cette vision de l’enfance. Le quartier très propret évoque une imagerie à la Burton (style Edward aux mains d’argent) et les jeux des enfants un côté Denis la Malice (référence de jeunes, clairement), avec une fraîcheur, une candeur mais aussi un malaise qu’on sent poindre le bout de son nez.

Et c’est face à cette réalité très lisse, très banale, que le fantastique vient s’immiscer petit à petit pour nous faire glisser dans l’horreur. Tout commence par la découverte, déconcertante certes mais réaliste, d’un cadavre mutilé. Puis les indices s’accumulent subrepticement jusqu’à nous faire glisser vers quelque chose de beaucoup plus fantastique. Fantastique, et non fantasy, car le doute subsiste jusqu’au bout : la légende a-t-elle réellement pris vie au cours de cet été, ou les enfants ont-ils inventé un monde pour fuir la réalité ? Nous ne le saurons jamais vraiment. Sous l’image d’une pub pour Ricoré, la réalité tourne elle-même au cauchemar. Loin de la magie et du mystère, ce sont les drames sociaux qui constituent le cœur de l’intrigue et qui donnent à l’horreur son pire visage. Car la vraie noirceur n’est pas celle des contes et légendes de notre enfance mais celle qui marque notre société. Et la frontière, dans ce récit, se brouille pour peut-être mettre en mots, via le conte, une horreur que l’enfant n’est pas capable d’admettre comme vraie.

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Le mot de la fin

Difficile de vous donner envie de lire Je suis ta Nuit sans vous spoiler car c’est réellement la révélation du mystère derrière le Bonhomme Nuit qui m’a prise au cœur et donné envie de partager cette lecture avec le monde entier. L’histoire de Loïc Le Borgne pourrait, au premier abord, sembler assez banale, à base d’enfants affrontant un grand méchant de cauchemar. Mais l’aspect psychosocial se révèle une fois que nous avons toutes les clefs de compréhension dévoilées et l’histoire prend un tout autre sens. Je suis ta Nuit est l’histoire d’un cri de détresse qui résonne au fond d’un puits, sans personne pour l’entendre.

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