Paru dans la collection « 10 ans, 10 romans, 10 euros » de Bragelonne, j’ai pensé prendre un one shot mais ai finalement découvert le premier tome d’une saga que j’ai maintenant très envie de poursuivre… Mais qui n’est pas encore parue en France. Ah, quelle fourberie bienvenue ! Lançons-nous donc à la découverte frustrante et passionnante de L’Année de notre guerre de Steph Swainston.
Sous les ordres de l’Empereur quasi-divin, les Immortels veillent sur le monde des Hommes et Jant en est le messager. Mais dans cette vie d’immortalité, Jant s’est perdu dans l’ivresse de la drogue. Et maintenant que le monde est menacé par un ennemi inébranlable, des insectes géants qui dévastent le pays, il a bien du mal à faire face à ses responsabilités. Pourtant, lui seul est en charge de trouver la source de cette menace et elle pourrait bien lui être intimement liée.
De la fantasy aux codes & aux héros brisés
Le roman s’inscrit dans un sous-genre de la fantasy très en vogue mais que je découvre avec lui : la « new weird« . Un sous-genre qui s’amuse à casser les codes traditionnels de la fantasy pour lui apporter un peu de modernité. A l’éternel modèle de Tolkien avec sa fantasy médiévale fort reprise depuis, viennent s’opposer ces romans qui floutent les époques et délaissent les héros trop classiques. Ici, on est dans une époque qui a tout de l’ambiance médiévale (château, bourgeoisie et grandes batailles rangées) mais qui y ajoute des éléments volontairement anachroniques, comme une drogue ressemblant fort à de l’ecstasy, des armes à feu et tout un tas d’autres objets modernes, sans pour autant inclure toutes les facilités technologiques (messages transmis sur papier, pièces éclairées à la flamme, etc.). Au final, impossible de dire dans quelle époque nous sommes, puisque des éléments de différents époques sont mélangés, pour créer une temporalité propre à cet univers dans lequel on perd un peu pied au début, avant de se construire des repères totalement nouveaux.
De la même manière, le héros brave et courageux de fantasy classique est délaissé, pour mettre en avant un gentil loser au cœur tendre, qui tente de bien faire mais qui, totalement ravagé par la drogue, manque de sérieux et de prestance. S’il n’a pas le caractère d’un grand vilain qui fait le mal pour le mal, c’est tout de même un anti-héros bien assumé, aux motivations souvent égoïstes et à la fiabilité plus que discutable. Et à côté de lui, c’est une bande (un peu trop nombreuse au début) de personnages tous plus contrastés les uns que les autres qui l’entoure. Exit le bon vieux manichéisme pour des personnages qui s’affrontent selon des convictions personnelles qu’il est difficile de juger comme entièrement bonnes ou mauvaises : ils sont influencés par leur expérience, leur histoire, et défendent chacun des idées qui se valent. Un bon melting pot d’idées, difficile à mettre en place dans un premier tome qui souffre ainsi de quelques lenteurs à la compréhension, mais qui sème aussi le terreau pour des jeux de pouvoir dans lesquels on ne sait qui l’on veut voir gagner (à condition même qu’il puisse véritablement y avoir un gagnant).
Le mot de la fin
Bragelonne me déçoit rarement dans ses choix éditoriaux et, une fois encore, c’est un pari gagnant pour moi avec L’Année de notre guerre de Steph Swainston. Si le roman est difficile à démarrer avec sa multiplication de personnages et d’intrigues associées, il est extrêmement prenant une fois dedans et appelle très sérieusement à une suite dont j’espère voir le dénouement arriver dans nos horizons francophones. Il dépoussière les codes devenus classiques de la fantasy pour nous proposer un roman qui sort des sentiers battus sans pour autant renoncer aux motifs récurrents de magie et de combats qui font le sel de ce genre si épique. Un vrai plaisir à lire pour les habitués de fantasy qui ont envie de sortir des schémas habituels.
Je ne connaissais pas ce sous-genre mais le roman a l’air intéressant d’autant qu’apporter un peu de modernité à un genre aussi établi et codé tout en offrant aux lecteurs ce qu’ils attendent, c’est audacieux 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Je suis bien d’accord : ça change un peu (mais pas trop) et c’est bienvenu^^
J’aimeAimé par 1 personne