Un Reflet de Lune, d’Estelle Faye

Premier roman que je lis de cette autrice, Un Reflet de Lune d’Estelle Faye a été pour moi une excellente découverte. Si je sais que la lecture du tome précédent, Un Éclat de givre, a manqué à certains pour la compréhension de ce nouvel opus, pour ma part, l’assertion des éditions ActuSF s’est révélée parfaitement exacte : ça ne m’a en rien manqué pour la bonne appréhension de l’histoire. Le narrateur fait référence à plusieurs évènements du passé mais les explicite juste assez pour que nous en saisissions le caractère et les impact sur les évènements présents. Du reste, mon profond amour pour Chet développé à travers cette lecture fait que je me tournerai très bientôt vers le tome précédent.

La nuit, Chet est Thaïs, une beauté sensuelle qui se produit dans les cabarets de la capitale française. Mais la journée, Chet attire les problèmes comme la lumière les papillons. Même quand il ne fait rien, les ennuis le trouvent toujours. Accusé d’infractions qu’il n’a pas commises et noyé sous un Paris en plein déluge, Chet doit prendre les rênes de l’enquête pour prouver son innocence et sauver sa peau. Encore.

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Poésie dénaturée & humanité réinventée

L’univers d’Estelle Faye est un univers dont j’entends parler depuis longtemps et sa lecture me fait comprendre pourquoi. L’autrice possède une plume particulièrement imagée, qui permet de donner vie à son univers bien au-delà des faits. Ici, c’est tout un imaginaire qui se développe, par une plume fluide, un héros désabusé et une ambiance saturée ; saturée de sens, d’impressions, de vécus et de tout ce qui fait de la vie, la vie. L’univers développé par Estelle Faye a un côté très poétique, mais pas une poésie belle et lissée comme dans les recueils ; une poésie bien plus proche de celle des Fleurs du mal de Baudelaire, où l’air est vicié, les âmes tourmentées et le spleen palpable. A partir d’un Paris détruit, d’une humanité perdue, l’autrice nous fait (re)découvrir la beauté du monde et des sentiments humains qui peuvent encore nous y attacher envers et contre tout. Un Paris dénaturé mais rendu beau par l’attachement de Chet à sa ville et le regard qu’il y porte.

Et justement, je sais que ce personnage de Chet a pu en horripiler certains par son apparent égocentrisme : c’est sa ville, son pianiste, ses amants, son apparence, sa perception des choses et sa petite vie qui importent avant tout… C’est le jeu du point de vue interne, d’une part, mais c’est aussi tout l’enjeu du roman, finalement. L’idée n’est pas d’apporter une chronique des temps après l’apocalypse mais de nous raconter l’histoire de Chet, un quidam du temps d’avant un peu paumé dans cette nouvelle vie, un personnage d’autant plus attachant qu’il pourrait être de notre époque. Et si j’ai eu un tel coup de cœur pour Chet, c’est qu’il sonne très humains de par ses défauts et par son épaisseur. Car s’il a bien des défauts, ce n’est que pour mieux cacher ses qualités : son obsession des vêtements se fait le reflet d’une insécurité cachée, son appropriation personnelle des choses démontre son attachement profonde au monde, son amour pour « son » Galaad (qu’il a lui-même surnommé ainsi) est le témoignage de son besoin de sécurité… Autant de petits indices qu’on aime à faire rouler sous la langue pour savourer la délicatesse de construction de ce personnage.

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Le mot de la fin

J’ai bien compris qu’un Reflet de Lune n’est pas à mettre entre toutes les mains ; certains lecteurs ne trouveront pas leur compte dans cet univers un peu perché et auprès de ce héros si particulier. Pourtant, je pense qu’il mérite à être connu à tout prix : qu’on aime ou qu’on aime pas, au moins, la rencontre mérite d’être faite. Pour ma part, c’est un immense coup de cœur pour un héros qui me rappelle si fort l’un de mes amis et pour un Paris au plus bas de sa déchéance mais qu’on aime, de toute façon, avec tous ses défauts, comme on l’a toujours fait. Pour mettre toutes les chances de votre côté, je vous conseille de commencer la rencontre avec Un Éclat de givre. Pour ma part, son absence n’a pas nui à ma compréhension mais je sais déjà que je vais le lire de toute façon alors quitte à commencer quelque part, autant commencer par le début pour une magnifique aventure !

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