Le Nom du vent, de Patrick Rothfuss

     Après des années passées à hésiter à me lancer, j’ai enfin lu Le Nom du vent de Patrick Rothfuss, premier tome de la trilogie Chronique du tueur de roi. Ça m’étonne moi-même d’avoir si longtemps patienté pour lire cette saga d’heroïc fantasy si plébiscitée par tous. Mais je dois reconnaître d’une part avoir été un peu effrayée par le nombre de pages de la bête et, d’autre part, avoir eu beaucoup de mal avec la scène d’ouverte. J’avais déjà essayé, il y a 2-3 ans de cela, de commencer le livre et m’étais arrêté au premier chapitre dans la taverne qui m’avait semblé long et compliqué. Et ça m’a bloquée. Pendant plusieurs années. Heureusement, j’ai choisi de lui donner une deuxième chance. Et là, bingo : dès le second chapitre, j’étais totalement happée !

challenge imaginaire 7HMSFFFKvothe est un si grand héros qu’il est entré dans les légendes, au point que certains doutent même de son existence. Chroniqueur, dont le surnom indique la profession, s’est fait un devoir de retrouver cette légende vivante afin de recueillir ses mémoires. Des mémoires qui nous font parcourir sa petite enfance marquée autant de moments de bonheurs que de douleurs innommables, jusqu’à remonter à son adolescence, son apprentissage de la magie, ses amitiés, ses premiers amours et sa quête inlassable pour retrouver les énigmatiques Chandrians, que beaucoup assimilent à un simple conte pour enfants.

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Empreinte du silence & force de la parole

      Dès les premiers chapitres du livre, le silence apparaît vraiment comme un élément récurrent de la narration. Et je dois avouer que cela m’a pas mal troublée au début : Quel est ce culte étrange qu’aux pommiers silence vous vouez ? Dès le prélude, le silence qui règne dans la taverne du village est un élément prégnant de la description, voire même l’élément central qui la guide. Et au fur et à mesure du récit, c’est soit le silence, soit son absence qui est remarqué. C’est au point que l’auteur a presque fait du silence un personnage à part entière. Qui est toujours là, niché quelque part, et témoin des évènements. Et au final, le silence, c’est quoi ? Eh bien c’est le mystère, le danger, la force cachée. Si la magie se manipule ici par la parole, alors le silence permet de lui donner tout son poids. Car le plus dangereux n’est pas ce que l’on voit (ou entend), mais ce que l’on cache.

      Et les jeux narratifs de l’auteur autour de ce silence permettent de donner d’autant plus d’enjeux à la force de la parole, qui est au cœur du système de magie de son univers. Mais plus que cela, la parole est au cœur du récit. C’est le fondement de la littérature et Rothfuss le met à l’honneur à deux nombreuses reprises : par le récit enchâssé de Kvothe qui narre son histoire, par le rôle prépondérant de Chroniqueur qui rappelle l’importance des mythes et de l’écrit, par les chants du père et les poèmes de la mère… La parole façonne le monde, fictif mais pas seulement, elle est la porteuse de la mémoire collective et des leçons de la vie et l’auteur n’a de cesse de le rappeler tout au long de son récit.

Les mots sont les ombres pâlies de noms oubliés. De même que les noms, les mots ont aussi un pouvoir. Les mots peuvent allumer des incendies dans l’esprit des hommes. Les mots peuvent tirer les larmes des cœurs les plus endurcis. Il y a les sept mots qui rendront une femme amoureuse de toi. Il y a les dix mots qui réduiront à néant la volonté d’un homme fort. Mais un mot n’est rien d’autre que la peinture d’un feu. Un nom, c’est le feu lui-même.

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Le mot de la fin

       Patrick Rothfuss signe avec ce premier tome des Chroniques du tueur de roi une œuvre magistrale dans la plus pure tradition de l’heroïc fantasy. Proposer de la fantasy médiévale avec un héros orphelin, une école de magie et des rixes de taverne est un vrai risque aujourd’hui tant le motif est vu et revu. Le lecteur, bien plus rodé à l’exercice qu’à l’époque de Tolkien, ne laisse plus passer la moindre erreur et il faut à l’auteur faire montre d’un réel savoir-faire pour l’entraîner malgré tout dans ce nouvel univers. Par l’honnêteté simple de son héros et la force grandiose de ses intrigues, Patrick Rothfuss y parvient sans peine.

6 réflexions sur “Le Nom du vent, de Patrick Rothfuss

    • Je suis d’accord sur le timing, mais là c’était surtout un problème d’épilogue auquel je n’ai pas accroché. Ça m’avait fait pareil pour le Trône de Fer. Cette espèce de scène hors contexte avant la vraie scène d’exposition, ça ne marche pas pour moi ^^’ Mais le fait dans une période plus propice a joué aussi, puisque j’étais plus volontaire à m’accrocher pour découvrir la suite, c’est sûr ! ^^

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  1. Ce jeu autour du silence et de la parole est original, et bien amené, doit se révéler captivant…
    Quant au fait que l’auteur ait réussi à reprendre des éléments classiques sans qu’on en ressente une certaine lassitude donne envie de lui donner sa chance…

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    • Franchement, j’ai toujours un doute en commençant un livre de fantasy qui reprend beaucoup de codes classiques de genre parce qu’à force d’en lire, on devient exigeant. On a envie d’originalité. Là, l’auteur est resté dans des rails classiques mais a tracé une histoire parfaite en tous points et s’est hissé, pour moi, au niveau des grands auteurs de la fantasy sans problème^^

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  2. Je suis contente de savoir que la deuxième rencontre fut concluante. Ceci dit, tu avais largement le temps de découvrir ce premier tome étant donné qu’il va falloir patienter pour la parution de l’ultime volet. Je ne cache rien, j’aime beaucoup cette série 😉
    J’aime ton analyse sur la force de la parole ; et tu devrais être séduite par cet aspect-là avec le deuxième tome. D’ailleurs, comptes-tu retrouver Kovthe tout bientôt ou laisser un peu filer les mois entre les deux lectures ?

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