Découvrons… Au Bonheur des Dames, de Zola

       C’est un collégien que j’avais en cours particulier qui m’a décidée, après l’avoir lu pour préparer son brevet et beaucoup aimé, à finalement me replonger dans un roman de Zola plus que plébiscité : Au Bonheur des Dames. J’étais sceptique depuis des années à propos de ce livre, malgré mon engouement pour La Fortune des Rougon mais comment résister à un livre recommandé par un élève qui avoue n’être pas mordu de lecture ? Mon envie grandissante de lire un classique – chose que je n’avais plus fait depuis longtemps et qui me manquait – et l’occasion de mettre à jour mon challenge des 100 livres à avoir lus dans sa vie n’ont donc été que le prétexte final à ma décision.

        Denise débarque à Paris sans un sou en poche, avec deux petits frères à nourrir et sans famille pour prendre soin d’eux. Son seul espoir, son oncle Baudu, ne peut lui venir en aide : son petit magasin est en pleine faillite face à la concurrence monstrueuse du Bonheur des Dames, premier grand magasin de Paris. Attirée malgré elle par la splendeur de cet endroit, Denise s’y fait donc embaucher pour pouvoir continuer à entretenir sa petite famille et doit faire face aux duretés du monde de l’entreprise.

Ligne horizontale       Courage & suprématie.

      Ce roman fait avant tout le récit du courage de Denise, jeune fille débarquée de province après la mort de ses parents, ayant ses deux petits frères à charge et devant gagner seule sa vie pour les soigner. En début de livre, tout semble contre elle, cette pauvre fille sortie de nulle part qui n’a aucun talent particulier et qui se refuse à céder aux mœurs sociales qui pourraient l’aider à s’intégrer – à savoir prendre un amant pour se faire entretenir, principalement – mais ce déchaînement de duretés contre elle ne parvient à lui faire oublier ni sa gentillesse ni sa douceur et cet entêtement attire aussitôt sur elle la sympathie du lecteur. Denise représente ce qu’on appellerait aujourd’hui le parcours d’une « mère courage » – rôle qu’elle tient auprès de ses frères – et force l’admiration par sa volonté obstinée à toujours s’en sortir par elle-même sans jamais céder au chant de la facilité. Cette héroïne sait ce qu’elle veut autant que ce qu’elle vaut et fait montre d’un courage superbe pour atteindre ses buts, même quand tout semble perdu, sans jamais défaillir et ainsi gagner progressivement l’estime autant des autres personnages que du lecteur lui-même.

        Bien qu’il ne prenne jamais parti, ce roman décrit la suprématie des grands magasins sur les petits commerces. Zola ne cherche pas à défendre une conviction une conviction mais un fait : Denise est tout à tour plongée dans les deux univers, elle comprends les besoins et les difficultés de chacun et ne juge pas l’un en défaveur de l’autre mais est, à l’image de la société, irrésistiblement attirée par la nouveauté des grands magasins malgré leurs mauvais côtés qu’elle est bien placée pour connaître. Elle s’apitoie du déclin des petits commerçants mais ne parvient pas, pour autant, à rester enfermée dans le passé avec eux et préfère suivre le plébiscité parisien en faveur des grands magasins, symboles d’avenir. La suprématie des grands magasins est totale et ne fait aucun doute ; on a beau assister à la lutte acharnée des petits commerçants et être conscient des terribles risques financiers que prend Octave Mouret pour l’extension du Bonheur des Dames, il n’y a jamais vraiment de place laissée au doute tant on est certain de la victoire finale du grand magasin, chantre du capitalisme conquérant.

Ligne horizontale        En bref :

       Les romans de Zola font partie de ces classiques qui font généralement peur à cause de leur densité et de la quantité non négligeable de descriptions que l’auteur y glisse. Pourtant, Au Bonheur des dames est sans doute l’un des livres les plus aptes à vous réconcilier avec ces fameux tireurs-à-la-ligne. Certes, l’œuvre reste fournie mais on oublie bien vite les descriptions un peu lourdes pour se laisser entraîner par une intrigue passionnante et étonnement moderne qui nous fait voir les deux facettes de l’industrie de masse sans jamais nous imposer la faveur d’un parti plutôt que d’un autre.

10 réflexions sur “Découvrons… Au Bonheur des Dames, de Zola

  1. J’en entends tellement parler que je vais le lire bientôt, bizarrement j’ai plein plein de Zola dans ma PAL qui m’attendent mais je n’en ai lu aucun encore. Je pense que niveau description je suis préparée avec les 50 pages de descriptions de Victor Hugo dans chacun de ses romans. Et j’ai hâte de me plonger dans le roman documentaire et en apprendre plus sur l’émergence des grands magasins !

    J’aime

  2. J’adore Zola et j’ai beaucoup aimé ce livre, qui est original comparé aux autres livres des Rougon-Macquart. C’est très intéressant de découvrir les débuts des grands magasins, ça nous permet d’avoir un regard neuf sur ces magasins que nous connaissons depuis toujours.

    Aimé par 1 personne

    • Je trouve aussi, d’autant plus que Zola parvient superbement à donner un côté très « authentique » à ses romans, ce qui nous donne presque l’impression de lire un témoignage romancé !

      Aimé par 1 personne

  3. C’est mon deuxième roman de Zola et je l’avais adoré, c’est pourquoi l’Assomoir que j’ai lu juste après, m’avait un peu déçu, c’était beaucoup moins grandiose, ça montrait le côté moins flatteur de cette société.

    J’aime

Laisser un commentaire