Roman entre science-fiction et fantasy à l’inspiration africaine, Qui a peur de la mort ? de Nnedi Okorafor promet passion et dépaysement. Un livre qui veut chercher à comprendre la nature humaine, sans avoir peur des images qui choquent, des personnages affirmés et des prises de position qui font réfléchir. Encore une belle pépite des éditions ActuSF.
Dans une Afrique post-apocalyptique aux quelques accents futuristes mais surtout fortement inégalitaire, Onyesonwu naît du viol de sa mère par un puissant sorcier Nuru décidé à créer un ewu, un « enfant de la violence ». Mais le courage de sa mère en a décidé autrement, c’est une fille qu’elle met au monde et destine à devenir une puissante sorcière qui doit apprendre à composer avec sa nature et les préjugés qui l’entourent, profondément ancrés dans cette société faite de traditions et de magie.
Causalité de la violence & place des femmes
Onyesonwu, notre héroïne, est ewu. Dans sa culture, les ewus sont considérés comme étant les « enfants de la violence » , enfants nés du viol et prédestinés à devenir violents en grandissant. La logique principale est que la violence appelle la violence. Mais un questionnement se pose sur ce qui engendre vraiment cette violence : les conditions de conception de l’enfant le prédestinent-ils vraiment à la violence (réponse : non) ou sont-ce la défiance et l’agressivité des gens pétris de préjugés face aux ewus ? Cette théorie me semble beaucoup plus vraisemblable. À force d’être jugés et rejetés par tous, ces enfants qui n’ont rien fait pour mériter ce traitement commencent à développer du ressentiment à l’égard de l’humanité entière et réagissent naturellement par la colère face à cette injustice (et donc avec violence). Du moins, est-ce vrai la plupart du temps. Onyesonwu et son compagnon Mwita, eux, veulent donner tord aux préjugés.
De la même manière, les préjugés sont tenaces quant à la place des femmes dans la société. Même Mwita, tout ewu et amoureux qu’il soit, a beaucoup de mal à remettre en question sa position dans le couple : l’homme est celui qui doit avoir la place prédominante. Or ce préjugé est mis à mal par l’énorme puissance d’Onyesonwu qui lui permet d’accomplir des choses dont ni Mwita, ni aucun homme ne serait capable. Et pourtant, pour accomplir des miracles, Onyesonwu doit tout de même se battre deux fois plus qu’un homme pour convaincre de son potentiel, ne serait-ce que pour entrer en apprentissage et avoir une chance de démontrer ses capacités. Le lot des femmes fortes, dirait-on, est de tracer leur propre voie pour se dégager des destinées toutes tracées qui leur sont réservées. Et cette possibilité est offerte à toutes puisqu’Onyesonwu n’est pas la seule femme forte du roman. Ses amies qui l’accompagnent dans son périple se battent, meurent ou font demi-tour en toute liberté, chacune choisissant son destin.
Le mot de la fin
Original et différent, Qui est peur de la mort ? l’est tout autant que son héroïne. Nnedi Okorafor choisit de mettre en scène un monde post-apocalyptique dans un décor africain où le pire de l’humanité a établi ses droits. Si cet univers est dur et cruel, il est aussi l’occasion de faire ressortir les plus grandes fibres héroïques. C’est dans le pire des cadres que le courage et l’humanité sont les plus marquants.
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