Comme une envie de littérature classique m’a prise en novembre, aussi me suis-je replongée dans un livre que j’avais lu pour mes études mais dont le souvenir était flou pour moi : Effi Briest de Theordor Fontane. Si ma lecture a été agréable, elle m’a aussi demandé un investissement renouvelé pour voir au-delà de l’intrigue des thématiques qui ne m’avaient pas forcément marquée à la première lecture.
À peine sortie de l’enfance, la jeune aristocrate Effi Briest est mariée par ses parents au charmant baron von Instetten, fou d’elle et prêt à tout pour la rendre heureuse malgré leur grande différence d’âge. Mais très vite, dès leur voyage de noces puis suite à leur emménagement, Effi souffre d’un mal incurable pour son jeune âge : l’ennui. Entre ses nouvelles obligations, la maternité qui arrive bientôt et la carrière de son mari, la jeune fille a beaucoup de mal à se construire et tente, bien malgré elle, de romancer sa vie pour ne pas sombrer dans la dépression.
Adultère & féminité
Effi Briest est un roman d’adultère, à mi-chemin entre Madame Bovary et Anna Karénine. Il partage avec eux cette particularité de mettre en scène des femmes adultères à une époque où l’égalité des genres est loin d’être une évidence. Mais il va encore plus loin en nous présentant une femme mariée tout juste adolescente qui doit apprendre à faire la passerelle vers l’âge adulte tout en étant déjà épouse et mère. Ainsi, en parallèle de la vie d’Effi, ce sont toutes les questions sur les droits des femmes qui se posent dans ce roman. Si Effi est poussée à commettre l’adultère, c’est à la fois par ennui puisqu’on l’empêche d’étudier, par rébellion puisqu’on ne lui laisse aucune liberté de décision sur sa vie, par attrait de la sensualité puisqu’on ne lui a pas laissé le temps de découvrir sa féminité avant de la marier. Si Effi pêche, quelque part, c’est parce que sa vie entière l’a poussée en ce sens par les contraintes que la société lui a imposées depuis toujours.
Mais bien sûr, la condition de femme d’Effi est aussi ce qui rend son crime d’autant plus grave. Plus qu’une simple douleur faite à son époux, c’est aussi considéré comme une grave atteinte faite à son honneur. Aussi, ce n’est même plus un cœur blessé qui souhaite se venger mais un orgueil blessé qui a besoin de réparation et qui va aller jusqu’à causer deux morts, celle de l’amant comme de la femme, sans même réussir à l’apaiser. L’absurdité des règles de cette société est ainsi mise en exergue avec un acmé qui est atteint lorsque la fille même d’Effi est façonnée à l’image de son père : les femmes elles-mêmes deviennent tortionnaires des femmes dans un monde de règles édictées par des hommes qui en payent eux aussi le prix.
En bref :
Si Effi Briest aborde des thématiques intéressantes et originales par rapport à d’autres romans classiques abordant cette même thématique de l’adultère féminin, il le fait cependant à mots couverts à un tel point qu’il exige une grande attention de lecture pour le comprendre. On peut ainsi lire cette œuvre de façon légère, comme un roman de divertissement, ou s’y investir davantage pour y voir la revendication sociale profonde qu’il intègre. Revendication qui, d’ailleurs, malgré les siècles d’écart, ne s’avère pas si désuète que cela pour qui veut bien s’interroger dessus.