On n’a rien vu venir, Collectif

      Sans Mabu qui me l’a envoyée lors de notre swap de couleurs, je crois que je n’aurais jamais découvert cette œuvre collective qui réunit sept chapitres successifs, de sept auteurs différents. J’ai nommé : On n’a rien vu venir. Et je serais passé à côté de quelque chose. Parce qu’un roman jeunesse qui ouvre l’esprit sur la politique avec autant de finesse, de justesse et de simplicité, ça n’est pas monnaie courante.

      Le Parti de la Liberté a gagné les élections. Et cela signifie beaucoup de changement : couvre-feu, uniformes sont imposés… Mais la couleur de peau, l’orientation sexuelle, le handicap ou la façon de penser deviennent aussi, peu à peu, sujets de normalisation : tous ceux qui ne sont pas dans cette norme sont alors pointés du doigt, jugés, rejetés.

Ligne horizontale       Totalitarisme & jeunesse.

       Même si le sujet n’est pas tout de suite explicitement abordé, d’abord suggéré, on comprend très vite que le roman tourne mal dès son premier chapitre. Un certain nombre de petits indices laissent sous-entendre une tension, un malaise qui éclate très vite. En effet, on commence dans une ambiance de fête qui semble bonne enfant aux yeux de notre jeune narrateur, né dans une famille qui soutient le Parti. Mais aussitôt, on s’aperçoit que c’est une fête qui exclut une partie de la population, une fête qui dégénère très vite et dont l’apparente bonhomie se transforme très vite pour refléter les préjugés et la haine qui animent ses participants. Ce premier chapitre met en place très vite le fondement de l’histoire : on ne voit pas forcément le totalitarisme se présenter, sous couvert de bons sentiments, mais il se dévoile très vite, dès que l’on cherche à comprendre un peu plus profondément.

     Fait assez rare : le roman décide de parler politique, oui, mais à des enfants. Pour cela, chaque chapitre a pour héros un jeune enfant, entraîné dans la spirale de l’élection du Parti de la Liberté. Pour chacun, cette élection a une signification différente mais pour tous, il a un impact plus ou moins direct sur sa vie, que ce soit par la couleur de peau de ses amis, sa famille, par sa propre infirmité, par l’homosexualité de ses parents, etc. Si aucun n’a pris vraiment conscience de l’importance des élections avant que celle-ci ait eu lieu, tous comprennent leur enjeu une fois que le régime est en place. Par la fiction, le but est donc de prouver aux jeunes lecteurs de ce qui peut arriver avant que ça n’arrive. Le livre s’exprime de façon très complète, convaincante mais aussi simple et accessible pour tous ; il parvient à vulgariser un sujet aussi complexe que la politique sans bêtifier pour autant.

Ligne horizontale        Collectif & incertitude.

      Une grande morale qui se dégage de cette histoire, c’est la force que peut posséder la collectivité. Quoiqu’on fasse, on est tous liés les uns aux autres et ce qui affecte nos proches, nos amis, voir les amis de nos proches nous affecte aussi forcément. En cela, on ne peut faire de choix contre le collectif car isoler d’une partie de la population, c’est s’isoler soi-même. De même, toute action menée seul est vaine, la résistance chacun dans son coin a peu d’impact, mais une action collective, concertée, possède une force inarrêtable qui fait bouger les choses. Le collectif est toujours plus fort et cela, l’écriture même de ce roman le représente bien : écrit à 7 plumes, une par chapitre, le livre fait la parfaite liaison entre écriture et message délivré.

       Pourtant, une incertitude demeure. Si impact il y a forcément par cette action collective menée, que ce soit dans le roman ou par le roman, on ne peut s’assurer de l’effet exact obtenu. Le dénouement laisse planer un doute sur ce qu’il se passe après et c’est ce même doute dans lequel se trouvent les auteurs en délivrant leur message : sera-t-il compris ? Efficace ? Cela, ça ne dépend que des lecteurs qui ont toutes les clefs en main, désormais, pour changer les choses sans plus attendre mais ça ne dépend plus de la fiction alors le dénouement le laisse en suspens, ouvert à une suite bien réelle.

       On n’a rien vu venir est un récit qui fait froid dans le dos mais qui sert très bien son objectif. À transmettre sans hésitation à un public non averti qui se pose la question toute banale de « Mais à quoi ça sert au juste, la politique ? »

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3 réflexions sur “On n’a rien vu venir, Collectif

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