Récemment, je suis allée voir une de ces petites pièces de théâtre dont on n’entend pas vraiment parler si on ne connaît pas quelqu’un qui connaît quelqu’un mais qui mériterait pourtant d’être davantage diffusée. Cette pièce, c’est #JeSuisLeProchain, crée par Michaël Delis et jouée au Théâtre de la Loge à Paris pendant deux petites semaines. Une pièce ambitieuse, qui parle d’un sujet d’actualité fort : la radicalisation.
Résumé officiel :
« #JeSuisLeProchain, c’est un combat pour la justice. Le problème, c’est qu’il existe autant de définition de celle-ci qu’il y a de protagonistes dans la pièce qui se joue. Confrontée aux ambitions contraires de ses parents, des institutions et d’une galerie de personnages plus ou moins bien intentionnés, Jeanne, 17 ans, fera tout son possible pour retrouver l’homme qu’elle aime. Lui, il s’appelle Ramy, et il vient juste de rejoindre la Syrie. »
Sortie de salle :
√ Pendant le spectacle, j’ai ri, j’ai pleuré, j’ai frissonné avec les acteurs. Bref, ce spectacle m’a fait vivre un vrai moment fort et ne peut laisser personne indifférent. En en lisant le résumé, très politique, je craignais que la réflexion ne prenne le pas sur l’action et qu’on passe 1h30 en discours philosophiques mais, bien au contraire, Mickaël Delis et ses acteurs ont su rendre ce sujet complexe bien vivant pour le faire sortir de son carcan abstrait et l’encrer dans notre réalité. La pièce fait le choix d’être profondément humaine avant d’être idéologique.
√ Le Théâtre de la Loge est un petit théâtre de quartier, #JeSuisLeProchain se jouait donc dans une petite salle d’une cinquantaine de places toute alambiquée et prenait pleinement possession de l’espace. Plutôt que d’être figés sur une scène placée devant nous, les acteurs circulaient tout autour, jouaient avec cette disposition originale pour se placer aux quatre coins de la salle, créant un effet véritablement immersif pour le spectateur.
X Mais parce qu’il faut bien un petit point négatif quand même : si on peut aisément supporter de n’être pas très bien assis pendant 1h30, il est un peu plus dérangeant de devoir se contorsionner dans tous les sens pour apercevoir des bouts d’acteurs. La salle n’est pas forcément très bien optimisée de ce côté-là et il est parfois assez difficile de voir ce qu’il se passe sans grimper sur les épaules des voisins. Ça n’empêche en rien de suivre la pièce mais ça joue pas mal sur l’immersion.
√ Si la pièce a su me faire pleurer, elle a aussi su me faire rire. Notamment grâce à un personnage en particulier : Marianne La Peine, satire aiguisée d’une personnalité politique que je vous laisserai deviner sans difficulté. Ce personnage absolument sans scrupules, obsédé par son ascension politique et bouffi de contresens est à la fois invraisemblable et à la fois si étonnement représentatif de toute une partie de l’opinion public qu’il ne peut que marquer. Grâce à elle, nous saurons désormais qu’intégrer l’étranger en France, c’est le priver de son droit intrinsèque d’être étranger ; merci Marianne !
√ Si le discours de Marianne est grandiose, c’est non seulement grâce à son auteur, mais aussi grâce à on interprète. Et je tiens justement à attirer l’attention sur le casting formidable qui compose #JeSuisLeProchain. Il arrive souvent qu’un casting soit quelque peu inégalitaire mais ici, l’harmonie est parfaite. Les acteurs incarnent véritablement leurs personnages, on oublie vite l’incohérence d’âge qui existe – les acteurs ayant tous la vingtaine tandis que les personnages vont de l’adolescence à l’âge mûr – et on se laisse embarquer par l’alchimie qui existent entre eux.
En bref : Oubliez le politiquement correct et allez voir du théâtre engagé avec #JeSuisLeProchain, qui vous entraînera aussi bien dans son intrigue que dans sa réflexion. On croise les doigts pour de nouvelles représentations !