Alors qu’Anne Rice est mondialement connue pour ses fameuses Chroniques des vampires, c’est par un récit de loups-garous que j’ai décidé de découvrir pour la première fois la plume de l’auteure avec Le Don du Loup, premier tome d’une duologie. Si j’ai eu beaucoup de mal à entrer dans l’histoire, à la limite de l’abandon, je pense avoir eu raison de m’accrocher car, une fois le premier tiers de l’histoire passé, j’ai enfin fini par accrocher à l’intrigue. En effet, le premier tiers est assez lent, c’est une phase de découverte plutôt lourde pour nous qui connaissons relativement bien le mythe des hommes loups, mais la suite entre vraiment dans l’exploration plus profonde de cette transformation, et gagne ainsi nettement en intérêt à mes yeux.
Reuben est un beau jeune homme, journaliste, engagé pour rédiger un article afin de provoquer la vente d’une magnifique maison : Nideck Point. Il tombe sous le charme de la maison autant que de la propriétaire des lieux mais, en pleine nuit, une effraction a lieu. La jeune femme y laisse la vie, ainsi que ses deux agresseurs, seul Reuben survit, grâce à l’intervention d’un étrange animal qui le blesse mais l’épargne. À partir de là, Reuben commence à sentir des changements aussi bien physiques que psychologiques.
Nature & image.
Ce qui fait vraiment s’envoler le roman à partir du deuxième tiers du livre, pour moi, c’est une scène où Reuben s’enfuit dans la forêt et y prend conscience de toute l’étendue de sa nouvelle condition. Là, le narrateur nous propose une description exaltée de la nature, en adéquation avec l’enthousiasme du personnage qui se redécouvre lui-même et ne se sent plus de limites possibles, qui se sent enfin totalement à sa place dans ce cadre entièrement végétal et qui vit une certaine forme de symbiose avec la nature qui l’entoure. Pour la première fois, le protagoniste s’accepte totalement, tel qu’il est, et jouit de son nouvel état dans un retour à l’état sauvage spectaculaire qui nous entraîne avec lui dans ce sentiment d’allégresse et de liberté qu’il ressent.
Cette soudaine libération du personnage est liée à un problème qui le poursuivait depuis le premier chapitre. Dès le départ, on sent que Reuben est dérangé par sa propre beauté. En effet, il est caractérisé par un physique extrêmement avantageux, sur lequel il est souvent complimenté et ces compliments sont quelque chose qu’il prend très mal, quitte à dérouter le lecteur au premier abord. En fait, on comprends progressivement que Reuben a un problème avec l’image de lui qu’il renvoie aux gens, très effrayé à l’idée qu’on ne voit pas au-delà de son aspect physique, qu’on pense qu’il n’a aucune profondeur et n’est capable de rien. C’est pourquoi, revenu à l’état sauvage, il s’accepte beaucoup mieux : il n’a plus ce physique avantageux pour le faire briller aux yeux du monde, il se sent enfin jugé pour ce qu’il est, que ce soit en bien ou en mal et cet aspect qui était d’abord un rempart entre lui et le monde devient progressivement le seul visage qu’il considère comme le sien.
Revisite & moralité.
Si le roman reprend un certain nombre de motifs classiques du genre, avec des codes communs à toutes les histoires de loups-garous et y fait référence par un habile système d’intertextualité, l’auteure fait aussi parfois le choix de diverger avec les textes classiques afin de mieux renouveler le mythe. Par exemple, si Reuben doit bien attendre la nuit pour se changer en loup, il ne lui est plus nécessaire d’attendre la pleine lune pour ce faire. De même, le loup-garou est bien insensible aux blessures, capable de guérir presque instantanément, mais le doute subsiste concernant l’efficacité de l’argent contre lui. D’autres motifs, encore, sont totalement nouveaux, tels que la disparition de toute cellule organique une fois détachée du corps du loup-garou : cette nouveauté correspond à une volonté de modernisation du roman, qui doit adapter le mythe à une société aujourd’hui capable d’effectuer des tests ADN mais qui demeure pourtant incapable de prouver l’existence de ces créatures. Entre tradition et modernité, Anne Rice parvient donc à construire un loup-garou totalement unique qui répond à un volonté rigoureuse de cohérence.
Enfin, au-delà du récit fantastique divertissant et aventureux, l’auteure souhaitait visiblement ajouter une dimension métaphysique à son œuvre. En effet, les loups-garous d’Anne Rice sont irrésistiblement attirés par le meurtre et l’horreur de cet acte occupe une grande partie des débats autour de la nature de ces créatures. Cependant, les loups-garous ne sont ici attirés que par l’odeur du mal, une aura irrésistible que les gens mauvais dégagent, et Reuben ne tue que des bourreaux, répondant aux cris des victimes qu’ils maltraitent. La question se pose alors : peut-on se faire « juge, jury et bourreau », selon l’expression employée par le protagoniste ? Est-il mal de tuer des personnes elles-mêmes mauvaises ? L’opinion publique est très partagée dans le roman, entre la foule qui élève « l’Homme-Loup » en sorte de super-héros sauvant la veuve et l’orphelin et la voix de la religion, personnifiée par le Père Jim (le frère de Reuben, devenu prêtre), qui accuse Reuben d’ôter à ces gens toute possibilité de rédemption, même s’il sauve par là des innocents. L’auteure, quant à elle, ne semble pas trancher entre ces différents partis et plutôt laisser le lecteur seul juge.
Malgré un démarrage plus que difficile, je suis donc bien contente d’avoir terminé ce roman qui m’a ménagé de jolies surprises par la suite et je compte bien continuer avec le deuxième tome, Les Loups du Solstice, sans omettre de découvrir dès que possible les écrits vampiriques pour lesquelles Anne Rice est si connue.
Comment te dire que tu n’as pas commencé par le meilleur d’Anne Rice ? Heureusement que tu as accroché à sa plume et que tu vas poursuivre cette exploration ! Ce que j’aime chez elle c’est la subtilité de ses descriptions sur les états d’âmes des personnages (et notamment des narrateurs). D’ailleurs, il faudra bien que je me mette à ce Don du Loup que je n’ai pas encore eu l’occasion de lire.
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Tu as raison, j’en suis bien consciente !
Mais je sais que même si je n’avais pas aimé celui-ci, ça ne m’aurait pas donné de mauvais a priori pour commencer ses Chroniques des vampires tout simplement parce que ce sont séries totalement différentes et qui n’ont absolument pas la même réputation^^ (d’ailleurs, j’ai demandé les deux premiers à Papa Noël, donc je croise les doigts pour les trouver sous le sapin dans 3jours :D)
Mais j’étais curieuse et, tout compte fait, je ne le regrette pas ! Il faut juste un peu d’abnégation pour le début xD
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La couverture est super belle 🙂 Typiquement le genre d’histoire que j’aime lire
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bon je vais peut être le retenter car j’avais en effet été découragée par ce début plus que poussif !
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Je te comprends, j’ai aussi hésité à le laisser de côté parce que c’est affreusement lent au début !
Après, je ne te promets pas non plus une envolée extraordinaire, ça reste à mon avis bien en-dessous de ce qu’Anne Rice peut faire de meilleur mais je trouve que ça s’améliore nettement et que ça se lit quand même avec plaisir, passé le premier cap difficile^^
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Il est dans ma PAL
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J’ai les deux romans dans ma PAL, et je suis bien contente d’avoir lu ta chronique, je saurai au moment de la lecture que je dois m’accrocher un peu avant que ça démarre !
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Il demande un peu de courage, c’est vrai ! J’espère que tu arriveras à accrocher malgré tout et je serai curieuse d’aller lire ce que tu en auras pensé^^
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Coucou
Il est absolument impardonnable de ma part d’avoir 3 livres de Mme Rice dans ma PAL dont cette duologie alors que je l’adore 😊, il y a tellement de priorité autre que j’oublie, avant fin 2017 j’espère en lire au moins 2
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Ahah, bonne résolution pour 2017, ça !
Je me dis exactement pareil pour les Chroniques des vampires : je m’en lis 2 avant la fin de l’année 😀
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Je vais lire Prince Lestat prochainement d’ici mars il y passe 😉
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