Un Chant de Noël, de Charles Dickens

     Je vous en avais parlé précédemment dans un « 8 idées » consacré aux lectures parfaites pour l’hiver et, bien sûr, je me suis fait un plaisir de me replonger dans cette lecture en début d’année pour prolonger un peu la magie des fêtes. Et même si le printemps est désormais installé, je vous propose de parler aujourd’hui, chers lecteurs, un peu plus en détail du fameux Chant de Noël de Charles Dickens (dont j’ai aussi parlé d’Oliver Twist, de David Copperfield et de De Grandes Espérances). Maintes fois repris et parodié, ce classique  du XIXe siècle est toujours aussi vivace dans l’esprit collectif grâce à ses thèmes universels, qui parlent à tous et qui véhiculent un message foncièrement positif. Personnellement, je ne me lasse jamais de le relire et de le voir adapté sous toutes les formes possibles : c’est un vrai bon moment assuré.

      Même si elle est plus que connue, reprenons l’histoire en quelques mots : Ebenezer Scrooge est un avare fini qui rend la vie impossible à ceux qui l’entourent sous prétexte d’économiser le moindre sou. Aigri, froid et sans joie, le vieillard n’apprécie rien ni personne et est parfaitement incapable de comprendre l’esprit d’amour et de partage qui règne à Noël. C’est alors que, la nuit précédant Noël, il va recevoir la vie de trois esprits qui vont lui faire comprendre la vacuité de ses actes. Il s’agit des esprits des Noël passés, présents et à venir.

Ligne horizontale        Conte & légèreté.

       Alors que l’on connaît Dickens dans son rôle de romancier, dépeignant la société avec un réalisme acerbe pour nous faire réagir sur les conditions de vie affreuses d’une partie de la société comme dans Oliver Twist ou David Copperfield (même si ce dernier n’est pas encore publié au moment du conte), on découvre ici un Dickens qui se fait conteur et qui accepte d’apporter une touche d’irréalisme à son texte. En effet, de nombreux critiques de l’époque lui ont reproché la trop grande facilité de son texte : s’il avait dû avoir lieu, le changement de Scrooge ne se serait certainement pas faits en une nuit et ne lui auraient pas laissé la possibilité, au petit matin, de sauver la vie d’un petit garçon mis en danger par sa négligence. Cependant, on peut bien voir ici que Dickens choisit volontairement de s’éloigner du réalisme pour s’inscrire totalement dans l’univers du conte de fées et ainsi proposer une histoire plus fantaisiste, jouant avec les fantômes mais aussi avec l’inscription du texte dans un cadre qui, inévitablement, mène à une morale qu’il peut ainsi rendre d’autant plus fortement présente qu’elle se dévoile en un nombre de pages limité et qui, par son aspect intemporel, acquiert un statut universel – preuves en sont les adaptations qui fleurissent de tous côtés aujourd’hui encore.

       Ce choix du conte, également, permet de conférer une apparence légère à l’histoire. Les contes, racontés aux enfants, bien que parfois un peu particuliers dans leurs versions originales, demeurent toutefois un genre aux thèmes suffisamment simples pour être compris par tous. Pourtant, Dickens parvient à complexifier son conte car, sous l’apparente simplicité de l’histoire, il développe une réelle psychologie pour son personnage principal dont on découvre, petit à petit, le mécanisme instinctif d’autodéfense qu’il a mis en place après les différentes souffrances subies par le passé. Et c’est aussi par la destruction progressive de ces barrières mises en place, par le souvenir de souvenirs traumatisants refoulés que Scrooge accède à une réelle évolution de caractère qui lui permet de changer son comportement vis-à-vis des autres. Même si tout cela est condensé en une seule nuit alors qu’une thérapie de plusieurs années aurait sans doute été nécessaire pour parvenir à un tel résultat, l’évolution psychologique du personnage procède par étapes proches de celles du deuil – Scrooge passe ici par la peur, le déni, la colère, la négociation puis l’acceptation – qui sont fondées et semblent, finalement, bien plus profondes et réalistes qu’on ne s’y serait attendu de la part d’un conte.

Ligne horizontale         Égoïsme & morale.

       L’égoïsme, vous vous en doutez, est un grand thème de cette histoire puisque Scrooge est justement l’égoïsme personnifié, avare et insensible à tout ce qui touche aux autres. Mais, de manière plus générale que cela, Scrooge est surtout le reflet du mal qui ronge notre société. En effet, patron de son petit cabinet, Scrooge a un employé sous ses ordres, qu’il paye bien sûr avec une pingrerie incroyable et dont il ignore tout. Il ignore donc que l’enfant de celui-ci, à force de privations, est un très mauvaise santé et ne découvre cela que grâce aux esprits de Noël. On sent ici la critique mordante de Dickens qui fait son retour : les gens se côtoient, chaque jour, travaillent les uns avec les autres mais ne sont pas attentifs à ceux qui les entourent, ne se connaissent pas et ne se soucient, au mieux, que des membres de leur propre famille en restant insensibles aux malheurs des autres. Si Scrooge pousse l’égoïsme au paroxysme, au-delà de ce que nous penserions pouvoir atteindre un jour, nous ne sommes cependant nous-mêmes pas exempts d’une part d’égoïsme qui nous empêche de voir plus loin que notre petite zone de confort. Et c’est la société elle-même qui est mise en danger par ces patrons qui oublient leurs employés au profit de leurs bénéfices et c’est aussi à chaque humain caché derrière ce nom de « patron » de remettre les choses en place.

       De la même manière que le choix du conte permet de rendre l’histoire universelle, de la même manière que Scrooge est le reflet d’un mal sociétal universel, la morale de ce Chant de Noël est, bien sûr, elle-même destinée à un lecteur universel, qui n’a ni époque ni nation – même si, forcément, l’idéologie chrétienne est pour beaucoup dans ce conte consacré à Noël – et qui n’éprouve donc pas de limites. On débouche donc sur une morale très positive, qui encourage au partage, bien sûr, à l’altruisme, également, mais surtout à l’ouverture vers autrui. Un Chant de Noël nous encourage à nous soucier de ceux qui nous entourent, pas forcément à leur distribuer de l’argent mais simplement à les traiter comme des personnes, à s’intéresser les uns aux autres plutôt qu’à demeurer des étrangers qui se croisent sans jamais prendre le temps de se connaître. Dickens envoie donc un message à l’humanité, pour la compréhension universelle, message qui, grâce à cette histoire, peut transcender la barrière du temps pour nous parvenir toujours intact et percutant.

       Un Chant de Noël est donc une nouvelle preuve de la virtuosité de Dickens qui,comme toujours, sait mettre l’accent sur les maux de notre société pour nous les rendre plus forts et présents que jamais. Pour moi, ce conte demeure donc un petit livre, rapide à lire, qui ne peut que faire du bien ! Les commentaires, comme toujours, sont là pour recueillir vos avis et je vous dis à bientôt pour un nouvel article mais, comme l’a dit Michael Ende : « ceci est une autre histoire, qui sera contée une autre fois ».

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8 réflexions sur “Un Chant de Noël, de Charles Dickens

  1. J’ai commencé à lire Dickens avec le recueil de Folio, Contes de Noël. On y trouve donc Un chant de Noël et je dois dire que c’est le conte qui est le plus aboutit stylistiquement parlant du recueil. Dickens offre un style léger, un rythme idéal, en abordant un sujet qui ne fait pas forcément rire à la base : l’égoïsme.
    J’ai beaucoup aimé ta chronique et ta vision de Scrooge. Et je dois dire, malheureusement, que Dickens aurait l’inspiration plus que de mesure s’il vivait aujourd’hui…. >_<

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    • Je pense que ça a pu faire réagir (ou au moins se faire poser quelques questions) ceux qui l’ont lu. Mais c’est vrai que ça ne résout pas le problème, loin de là ! Cependant, ça apporte un vecteur d’idées certain utile pour ceux qui voudraient s’en servir

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  2. J’ai vu l’adaptation avec Jim Carrey et j’avoue avoir été étonnée de voir un tel personnage dans un conte de Noël. J’aime beaucoup Dickens mais à part Oliver Twist, je n’en ai pas lu d’autres. Ce serait l’occasion pour Noël prochain de me plonger dans celui-là. 😉

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  3. J’ai énormément aimé la plume et l’humour de Dickens. J’avais souvent envie de lire des passages à voix haute pendant ma lecture de ce conte. On peut vraiment apprécier ce conte à tout âge vu le nombre de niveaux de lecture qu’il contient.
    Je pense que je vais relire ce livre chaque Noël (ou presque) car il nous rappelle les vraie valeurs de cette fête! Merci pour ta chronique!

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