Charlie et le grand ascenseur de verre, de Roald Dahl

     Suite plutôt méconnue du fameux Charlie et la chocolaterie dont je vous parlais récemment dans un autre article, Charlie et le grand ascenseur de verre continue l’histoire là où nous avions laissés nos héros – la famille Bucket et Willy Wonka -, dans les ruines de leur vieille maison maintenant pourvue d’un formidable ascenseur de verre volant. Ce second tome prend la digne succession du premier, conservant les mêmes thèmes et la même folie douce destinée à divertir les enfants tout en leur enseignant quelques bonnes leçons de vie au passage, le tout agrémenté de chansons d’Oompa-Loompas. Cependant, je dois admettre que ce roman est un peu moins attachant que le premier : il demeure très agréable à lire mais perd quelque peu de la fraîcheur et de l’originalité que Charlie et la chocolaterie nous proposait.

      Alors que Willy Wonka vient de léguer sa chocolaterie à Charlie et que toute la famille Bucket est invitée à y emménager, l’ascenseur de verre censé les y emmener dérive légèrement de sa route et les envoie directement dans l’espace. Entre un hôtel spatial inhabité, un président des États-Unis angoissé et des extraterrestres carnivores, le groupe de spationautes improvisés n’a pas fini d’en voir de toutes les couleurs.

Ligne horizontale      Peur & entraide.

     Contrairement au premier tome dans lequel la majorité des personnages étaient des enfants, cette fois-ci on se retrouve avec une majorité de personnages adultes, Charlie étant le seul enfant présent. Or, l’âge plus avancé des personnages va introduire un nouveau thème qui n’était que peu présent dans le premier tome – et était alors propre aux parents des enfants s’attirant des ennuis -, celui de la peur. En effet, Charlie, Willy Wonka et grand-papa Joe mis à part, les autres membres de la famille Bucket – et surtout les trois grand-parents refusant de quitter leur lit – craignent toujours le pire et se plaignent sans cesse du manque de prudence de Willy Wonka. Cependant, même les trois personnages ayant conservé leur âme d’enfant se retrouvent confrontés à la peur une fois dans l’espace et la réaction est la même pour tous : fuir. Ainsi, on s’aperçoit qu’il n’y a rien de honteux à avoir peur en certaines circonstances à condition de ne pas se laisser dévorer par ses craintes en permanence et d’être capable de faire la part des choses, afin de retrouver son sang-froid une fois le danger passé.

      À cause de cela, les deux groupes se reforment et s’opposent à nouveau lorsque le danger immédiat est passé pour eux mais qu’il menace d’autres personnages. En effet, Charlie, grand-papa Joe et Willy Wonka vont vouloir venir en aide à autrui quitte à se mettre eux-mêmes en danger tandis que le reste des grands-parents voudra fuir en abandonnant ceux qui ont besoin d’eux. Les parents, eux, représentent la modération entre l’héroïsme et la lâcheté extrêmes des deux camps aux caractères opposés. L’entraide est ainsi très valorisée car elle est la solution choisie par les héros auxquels on s’est attachés depuis le premier tome mais la pondération n’est pas non plus totalement rejetée, elle représente plutôt un entre-deux acceptable contrairement à la lâcheté totale dont font preuve les grands-parents restés au lit – que l’on prend très vite en grippe dans ce tome, je dois vous l’avouer.

Ligne horizontale       Absurdité & vénalité.

      Toujours omniprésente dans cet univers un peu loufoque que nous créé Roald Dahl en plein milieu d’une réalité bien banale, l’absurdité monde d’un niveau dans Charlie et le grand ascenseur de verre. En effet, jusqu’alors seul Willy Wonka et sa chocolaterie semblaient défier les lois de la logique et entraîner avec lui Charlie et grand-papa Joe dans une douce folie faite d’inventions totalement irréalistes et absurde. Cependant, désormais, un nouveau personnage entre en jeu et possède le même sens de la logique un peu particulier que Willy Wonka, or ce personnage n’est autre que le président des États- Unis d’Amérique. Alors, quelle conclusion en tirer ? Quand on voit que le plus grand PDG du monde et que l’un des présidents les plus influents – du monde, toujours – ont une façon de raisonner différente des autres, ne peut-on en conclure que c’est l’objet de leur succès ? Je pense en effet que, à travers son livre, au-delà de l’âme d’enfant qu’on retrouve chez Willy Wonka, Roald Dahl voulait aussi encourager son jeune lecteur à voir le monde à sa façon. Même si cette façon peut paraître absurde au premier abord, il ne faut pas se contraindre à rentrer dans le moule pour faire plaisir aux autres mais assumer son originalité.

      Pourtant, malgré les messages positifs qu’il véhicule, ce nouveau roman de Roald Dahl n’est pas non plus exempt de contre-exemples, de modèles à ne surtout pas suivre. Dans Charlie et la chocolaterie, c’étaient les autres enfants en possession du ticket d’or qui tenaient ce rôle. Dans Charlie et le grand ascenseur de verre, ce sont cette fois les trois grands-parents en reste qui montrent ce qu’il ne faut pas faire. Râleurs, peureux, lâches, têtus… Ils sont bourrés de mauvaises qualités mais la pire est bien la vénalité. Ils la montrent particulièrement quand Willy Wonka leur propose un traitement expérimental contre la vieillesse et qu’ils se battent pour le partager entre eux et refusent même dans céder un peu à leurs enfants – les parents de Charlie, donc. Ils se montrent ainsi trop gourmands, abusent de ce remède et se font du mal à eux-mêmes à cause de leur propre vénalité. On sent à quel point Roald Dahl réprouve ce comportement par la réaction de Willy Wonka qui est totalement écœuré par cette dispute et qui met ainsi en exergue le message que veut faire passer l’auteur à son jeune public. À nouveau, Charlie, grand-papa Joe et Willy Wonka sont les modèles parfaits qui ne font montre d’aucune vénalité, les parents de Charlie sont les modèles acceptables qui aimeraient bien profiter du remède mais ne se battent pas pour l’arracher aux grand-parents et les grands-parents eux-mêmes sont l’égoïsme et la vénalité personnifiés.

     Nous en avons donc fini avec cette petite duologie de Roald Dahl. Pour ceux qui n’auraient pas encore lu Charlie et la chocolaterie : foncez ! Pour ceux qui hésiteraient à lire Charlie et le grand ascenseur de verre : allez-y, c’est un bon moment assuré, mais n’ayez pas d’aussi grandes attentes que pour le premier. Par ailleurs, vos avis sont, comme toujours, les bienvenus en commentaires et je vous retrouve très bientôt pour un nouvel article mais, comme l’a dit Michael Ende : « ceci est une autre histoire, qui sera contée une autre fois ».

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