Découvrons… Le Fantôme de l’Opéra, de Gaston Leroux

   Il y a quelques jours, chers lecteurs, j’ai décidé de découvrir ma toute première histoire de Gaston Leroux. Ç’aurait pu être le célèbre Mystère de la chambre jaune mais non, mon choix s’est plutôt porté sur Le Fantôme de l’Opéra. Pourquoi ? Avant tout parce que c’est une histoire qui m’intrigue depuis longtemps à cause de ce personnage ambigu qui a donné lieu à tant d’adaptations, ensuite parce que cette histoire me permettait de cocher un livre de plus sur mon challenge des 100 livres a avoir lus dans sa vie. Il est donc temps de vous donner un peu mon avis sur ce que j’ai pensé de cette lecture !

      L’histoire, vous en avez sans doute déjà entendu parler mais nous pouvons tout de même en dire un mot : un narrateur homodiégétique – c’est-à-dire qu’il apparaît dans l’histoire – a mené l’enquête sur un mystérieux individu surnommé le « Fantôme de l’Opéra » et nous fait le récit de son enquête pour prouver la véracité de son existence. Des rumeurs circulent à l’Opéra de Paris quand à la présence d’un mystérieux fantôme qu’on verrait et surtout qu’on entendrait errer dans les couloirs. À cela, s’ajoutent un certains nombres de faits mystérieux : un pendaison, un lustre qui s’écrase sur le public… Lorsque deux nouveaux directeurs rachètent l’Opéra et que le Fantôme se met à leur réclamer 20 000 Francs par mois, la loge n°5 réservée ainsi que la chanteuse Christine Daaé en vedette de chaque spectacle, ils pensent bien sûr à une plaisanterie. Refusant d’abord de céder, ils sont vite victimes de nombreux désagréments. Quand à Christine Daaé, elle chante mieux que jamais mais est effrayée : le mystérieux fantôme est subjugué par elle. Heureusement, Raoul de Chagny, jeune vicomte qu’elle a connu pendant leur enfance, est amoureux d’elle et n’est pas prêt à l’abandonner.

Ligne horizontale      Différence & passions.

    La grande question qui agite la société tout au début du roman est : le fantôme existe-t-il ? En effet, assez nombreux sont ceux qui affirment l’avoir entendu, plus nombreux encore sont ceux qui ont entendu parler de lui mais rares sont ceux qui peuvent affirmer l’avoir vu. Cette possibilité de voir ou non le fantôme est d’ailleurs une question qui perdure bien plus longtemps que celle de son existence puisque le narrateur affirme écrire justement pour la démontrer. Or, nous apprenons finalement – je ne pense rien vous spoiler car l’histoire est très connue mais je préviens quand même, au cas où – que le fantôme se cache à cause d’une différence physique. Il met en œuvre nombre de stratagèmes assez incroyables et se dissimule en permanence sous un masque pour n’être jamais vu car il a une peur terrible du regard des autres. Affreusement difforme, il a toujours été rejeté à cause de cette différence physique et n’ose plus désormais se dévoiler. Sa personnalité même a été totalement affectée par cette différence excluante et le problème est bien posé le livre : le Fantôme n’aura-t-il pas été l’homme le plus charmant qui soit s’il n’avait eu à subir cette discrimination ? La différence, perçue comme une fatalité, pourrait pourtant être vécue différemment – sans mauvais jeu de mots ! – pour peu que quelqu’un soit prêt à passer outre pour découvrir la personne se cachant derrière. Une thématique troublante et intemporelle.

     Cependant, ce qui permet un tout premier rapprochement du Fantôme avec Christine Daaé est leur passion commune : le chant. Se dissimulant, ne lui offrant que le son de sa voix comparable à celle d’un « Ange de la musique », il parvient à créer un lien avec cette chanteuse sans que son aspect physique ne la rebute. Ainsi, les rares personnages connaissant un peu le Fantôme sont incapables de le haïr totalement malgré ses mauvaises actions, percevant l’humanité qui sommeille en lui grâce à cette passion qu’il affiche. De même, ce goût commun pour la musique, ces échanges établis avec Christine Daaé vont être à l’origine d’une passion amoureuse dévorante du Fantôme pour la jeune chanteuse. Cette passion vire malheureusement vite à la folie car le Fantôme n’a en fait jamais rien connu de tel : rejeté par tous, même pas ses parents, tout contact humain lui a toujours été refusé. On assiste alors à une ambivalence totale du personnage et de cette émotion qui l’assaille, terriblement puissante, bienfaitrice et dévastatrice à la fois. Le Fantôme est infiniment heureux de ressentir cet amour et plus encore de recevoir l’affection d’une personne qui, enfin, ne s’enfuit pas en le voyant, mais cet amour s’accompagne aussi des affres de la jalousie, d’une possessivité sans borne et d’une incapacité à vivre désormais sans l’objet de sa convoitise. La passion est ce qui le rend humain mais, n’ayant jamais appris à gérer les relations humaines, le Fantôme est dévoré par cette humanité qu’il ne sait contrôler.

Ligne horizontale       En bref :

      Le Fantôme de l’Opéra parlera à tous ceux qui se sont un jour senti différents et exclus à cause de cela car, quelles que soient les actions du Fantôme, on ne peut oublier qu’il est avant tout un laissé pour compte ayant trop souffert du rejet de la société. Heureusement, une passion sincère, qu’elle soit artistique ou amoureuse, peut unir même les êtres les plus dissemblables. En cela, cette histoire nous propose une belle leçon de tolérance, voire même, tout simplement, d’humanité. C’est pour des lectures comme celle-ci que je suis heureuse de m’être lancée dans ce challenge ! Les décennies ont beau passer, Leroux sait faire appel à des émotions humaines universelles et il est profondément difficile de rester totalement insensible à l’histoire d’un être brisé, monstrueux peut-être, mais rendu ainsi bien plus par la société que par une prédisposition quelconque.

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11 réflexions sur “Découvrons… Le Fantôme de l’Opéra, de Gaston Leroux

  1. Je rattrape un peu mon absence sur la blogosphère: c’est un de mes romans fétiches, et je suis heureuse de voir que quelqu’un d’autre que moi l’a chroniqué. 🙂 Je l’ai fait l’an dernier, en parlant de différentes adaptations qui en découlent.
    C’est d’ailleurs l’un des rares livres à m’avoir faite pleurer, car malgré la cruauté des actes commis, on ne peut que se sentir révolté face au sort d’Erik qui a terriblement manqué de compréhension et d’affection dans sa vie. Je crois que l’échange qui m’a le plus marquée est celui-ci: « Insensée! folle Christine, qui a voulu me voir!… quand mon père, lui, ne m’a jamais vu, et quand ma mère, pour ne plus me voir, m’a fait cadeau en pleurant, de mon premier masque! » Assez horrible!

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  2. Ta chronique est très joliment écrite et tu mets très bien en évidence les points forts de ce livre. J’ai l’impression de l’avoir rapidement lu finalement et de m’être scotchée à la lenteur plus qu’à l’analyse de ce personnage du fantôme.

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