Après un « 8 idées » assez virulent qui défendait, il y a quelques temps, les littératures de l’imaginaire contre les idées reçues auxquelles elles doivent souvent faire face, je me suis dit qu’il serait injuste de ne pas se porter défenseur de la littérature classique également. Certes, on entend moins souvent critiquer la littérature classique dans les médias mais il faut avouer que, en tant que membre de la « jeune génération », j’entends quand même beaucoup de gens dans mon entourage affirmer qu’ils n’aiment pas la littérature classique et je trouve ça assez étonnant sachant que ce terme générique englobe tellement de livres différents. Il est donc temps de vaincre la réticence de certains à ouvrir un livre dit « classique » en détruisant quelques idées reçues !
1 ‖ Cette langue archaïque, c’est incompréhensible.
Alors oui c’est indéniable, certains ouvrages ne datant pas d’hier – pensons à du Corneille ou à Mme de La Fayette – sont parfois difficiles à suivre avec leur langage d’une autre époque et tous ces termes utilisés qui ont changé de sens ou tout simplement disparu. Pourtant, en s’accrochant un peu, c’est toujours compréhensible et ça ne nuit pas tant que ça à l’histoire qui est derrière – bon, j’admets, Mme de La Fayette, je trouve que l’histoire derrière n’en vaut pas le coup, mais ça, ce n’est que moi et je suis loin de penser la même chose pour Corneille – et, si vraiment on est largué ou qu’on a pas envie de se prendre la tête avec ça en lisant, je vous rappelle qu’il existe de très bonnes éditions adaptées à des collégiens, avec toutes les annotations nécessaires pour comprendre facilement et qu’il n’y a aucune honte à s’en servir. De plus, même si cet archaïsme langagier est vrai pour les livres les plus anciens, beaucoup de classiques datant du XIXe siècle et suivant sont parfaitement compréhensibles dès la première lecture ; on ne parle donc là que d’une minorité.
2 ‖ C’est pour les vieux !
Eh bien non, au contraire, de très nombreux classiques ont d’abord été écrit pour la jeunesse avant d’être classés en « classiques » récupérés pour ces études qui vous ennuient tant. Le Petit Prince de Saint-Exupéry, les Fables de la Fontaine ou La Belle et la bête de Mme Leprince de Beaumont, vous le savez aussi bien que moi, ce sont de grands classiques et ils sont pourtant originellement destinés à la jeunesse – ce qui devrait aussi faire réfléchir ceux qui dévalorisent sans cesse la littérature jeunesse mais ça, c’est un autre débat. La littérature classique n’est donc en rien réservée aux « vieux » ou aux « jeunes » mais est ouverte à tous alors votre âge ne vous servira jamais plus d’excuse pour ne pas vous y mettre.
3 ‖ Ça manque d’action.
Il est vrai que certains auteurs favorisent beaucoup la description et l’introspection des personnages – non, non, je ne citerai pas Balzac ! -, ce qui peut mener à penser que la littérature classique manque d’action et est caractérisée par une certaine lenteur. Cependant, c’est un grief que l’on peut avoir contre les quelques auteurs en question et non contre cette littérature en général car c’est loin d’être l’apanage de tous : les orphelins de Dickens sont sans cesse entraînés d’une action à l’autre, L’Odyssée d’Homère est une épopée remplie de combats et de défis en tous genres, le genre du théâtre même est basé sur l’action puisqu’il exclue toute description en dehors des courtes didascalies… Bref, je vous mets ici quelques exemples non exhaustifs mais ils sont un nombre infini à réfuter cette idée reçue – rajoutez-en si vous en avez, n’hésitez pas !
4 ‖ C’est trop long.
Déjà, la littérature classique englobe tellement de livres, de tellement de styles différents qu’il serait très difficile d’estimer la longueur moyenne d’un livre classique. Il y a de tout, du très long comme du très court et pour démontrer cela, je comparerai simplement deux romans de Victor Hugo présents dans ma bibliothèque : Les Misérables fait 1700pages et Claude Gueux en fait 50. Voilà, les deux extrêmes sont représentés en un seul auteur, sans même parler d’autres genres plus succincts par essence, théâtre, poésie, nouvelle, essai… Ensuite, même s’il y a de très gros romans en littérature classique, c’est aussi vrai pour à peu près tous les styles littéraires, sans parler de ceux comme la fantasy qui se déclinent très souvent en plusieurs tomes. Certes, Le Trône de fer de George Martin ne détrône pas encore les quelques 90 ouvrages de La Comédie Humaine d’Honoré de Balzac mais L’Assassin royal de Robin Hobb dépasse largement en volume Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas et Les Annales du Disque-Monde de Terry Pratchett écrasent littéralement le cycle des Rougon-Macquart d’Émile Zola au niveau de la quantité. Donc la longueur, finalement, c’est plus une question de subjectivité : si vous êtes plongés dans l’histoire, un livre vous paraîtra beaucoup plus court que si vous y allez avec réticence.
5 ‖ C’est toujours pareil.
Si vous arrivez à me trouver des similitudes flagrantes entre Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë et Le Joueur de Dostoïevski, alors je veux bien admettre que la littérature classique « c’est toujours pareil ». En attendant, il y a une telle variété de genres, de styles, d’inspirations, de thèmes, de traitements, de formats, etc. que je suis bien en peine de comprendre pourquoi cette idée reçue est si répandue. Bien sûr, il est toujours possible de faire des parallèles car, étant donné la diversité des œuvres, il y en aura toujours qui se rejoindront sur certains points mais la littérature classique a vraiment de quoi vous surprendre et vous en trouverez forcément pour tous les goûts pour peu que vous cherchiez un peu.
6 ‖ Les thèmes ne sont plus d’actualité.
Exact, les thèmes ne sont plus d’actualité, ce doit être pour cela que La Ferme des animaux de George Orwell était une des meilleures ventes de l’année dernière, 70 ans après sa publication. Traitant de l’organisation du pouvoir et de la manipulation des masses, cette fable animalière est plus d’actualité que jamais et cela se ressent dans les ventes. Pour remonter plus loin encore, les adaptations sans cesse renouvelées de l’Antigone de Sophocle prouvent que, plus de 2000 ans plus tard, justice et devoir familial ne sont toujours pas des thèmes obsolètes. L’amour, les passions humaines, l’aventure, l’injustice… Autant de thèmes universels qui seront toujours d’actualité sont abordés dans de nombreuses œuvres classiques, avec un regard parfois différent de celui d’un contemporain mais pas moins pertinent.
7 ‖ C’est beaucoup trop moralisateur.
En effet, si vous pensez Fables de la Fontaine, c’est effectivement très moralisateur puisque c’est l’essence même du genre. En revanche, si vous pensez aux Souffrances du jeune Werther de Goethe, un livre qui a entraîné une vague de suicides à sa sortie, il faudra me dire quelle morale les lecteurs ont bien pu tirer de cette lecture. De même, Oliver Twist et ses comparses écrits par Dickens se veulent bien moralisateurs quand au traitement des enfants, mais peut-on en dire autant de Macbeth et autres tragédies de Shakespeare dont les héros sont voués par le destin à mourir quoi qu’ils fassent ? De même, un roman de science-fiction peut-être moralisateur quand aux méfaits possibles de la technologie sur l’humanité ou se présenter comme un simple divertissement. La morale n’est en rien liée au genre pratiqué mais simplement aux volontés de l’auteur en écrivant son livre.
8 ‖ C’est déprimant.
Là je l’admets, c’est assez difficile de prétendre le contraire : en dehors des comédies à la Molière ou de quelques rares exceptions – je pense notamment au Tour du monde en 80jours de Jules Verne, à Gargantua de Rabelais ou aux Aventures de Tom Sawyer de Mark Twain qui m’ont bien fait rire -, les grandes explosions de rire ne sont pas particulièrement le fort de la littérature classique qui se complait plus souvent dans la peinture des malheurs. Cependant, à défaut de fous rire grandiloquents, la déprime n’est pas l’apanage de tous les auteurs classiques : prenez Stevenson, prenez Dumas et vous verrez qu’eux abandonnent auto-apitoiement en faveur de la grande aventure. On est donc bien loin de la déprime, c’est plutôt l’évasion qui prime.
C’étaient donc les quelques idées reçues que j’ai pu relever concernant la littérature classique. Si vous en avez d’autres ou n’êtes pas d’accord avec certaines, n’hésitez pas à venir en débattre en commentaires ! J’espère avoir pu en convaincre quelques uns de ne pas la rejeter en bloc mais de simplement trouver les auteurs qui leur conviennent parmi la foultitude d’ouvrages classés sous cette étiquette et je vous dis à très bientôt pour un nouvel article.
Je ne suis pas loin de partager tes 8 idées reçues mais quel bonheur lorsqu’on achève la lecture d’un classique !
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Je trouve ton article très intéressant ! Si tu le permets je vais le partager sur ma page 🙂
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Avec plaisir, je te remercie ! 😀
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Ahhh, voilà un article que je mettrai sous le nez du prochain qui me dira que « les classiques c’est nul » (bien que moi même je n’en lise que peu, je l’avoue). Tu énonces de très bons arguments et lez exemples sont bien choisis !
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Merci ! Je serais heureuse qu’il puisse t’être utile ainsi ! :p Sans être obligés d’en dévorer à longueur de temps, il suffit de ne pas en faire une globalité diabolisée et de ne pas la rejeter en bloc^^
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J’aime beaucoup ce type de billet! Et je lis des classiques car ils m’apportent beaucoup en tant que personne. Merci!
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Excellent ces idées reçues…
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Je viens de refaire un tour sur quelques uns de te « 8 idées… » et j’avoue que c’est toujours un pur plaisir de les lire. Surtout quand tu parles des idées reçues tu es très virulente. Peu importe le style littéraire (classique, fantastique SF…) tout n’est qu’un question de goût personnel.
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Merci beaucoup ! C’est vrai qu’il est plus facile de se lâcher dans cette catégorie^^
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Comme d’habitude, excellent article très juste ! Je reconnais beaucoup des préjugés qu’on me donne souvent en parlant d’une soi-disant littérature classique (qui, comme tu le dis, regroupe tellement de choses différentes que ça me parait difficile de tout ranger en une seule catégorie ^^) et je retiens tes arguments pour les ressortir une prochaine fois !
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Ah très bel article et les arguments que tu avancent sont très bons ! Il est vrai que la langage peu rebuter mais bien souvent, les oeuvres sont parfaitement compréhensible, et seules quelques tournures ou quelques mots ont changés de sens ou ne sont plus utilisés. C’est l’occasion de lire de très beau texte =) J’ai adoré L’odyssée, un récit pleins d’aventures et de bravoure =)
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J’ai vraiment apprécié ton article puisqu’il est très juste. Je suis d’origine pas fan de classique car j’ai cette notion très « archaique » justement de la littérature, j’ai commencé il y a peu et, surprise, ce n’était que des clichés. Il y a vraiment beaucoup d’ouvrage classique très intéressant car très réfléchi.
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Merci ! C’est vrai qu’il y a de tout, il faut juste ne pas se laisser rebuter par un auteur ou deux qui ne nous plaisent pas et accepter de découvrir qu’il y a une foultitude d’auteurs susceptibles de nous plaire^^
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Un article intéressant 😀
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J’adore cet article, tu prêches une convaincue et même si je lis moins de classiques qu’avant, j’adore 🙂
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Intéressant cet article ! Mes auteurs préférés en classique restent Jane Austen (qui ne rêve pas d’avoir son Mr Darcy) que j’adore avec n’importe lequel de ses livres. J’aime aussi beaucoup les sœurs Brontë. Toutefois, je ne suis pas contre un Maupassant ou un Zola à l’occasion.
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Si, si, si tu peux citer Balzac haha
Très bon article, comme toujours !
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Cest vraiment super comme article! Et meme lidée de defendre un genre contre les prejugés… cest vriment top surtout ici quand on sait que « classique » cest vaste et vague au final.
Bref jai pris plaisir a lire cet article 😀
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Merci, ça fait plaisir ! ^^
Je pense que tous les genres ont le droit d’être défendus, de toute façon :p
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Je suis totalement d’accord avec toi! Sil en existe autant cest pour que chacun y trouve son compte sans se bloquer sur un genre ni le « descendre » ^^
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Merci pour cet article !!! Je lis beaucoup de classiques et je ne comprends pas l’aversion totale pour ce genre ! Rien que sur la blogosphère j’ai été étonnée qu’ils soient si peu présents ! (j’en ai pas mal dans ma PAL alors je vais remédier à ça :p )
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Quel que soit le style, il y a toujours des a priori, et c’est bien dommage de ne pas tenter sa chance à cause de cela^^
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Je dirai qu’il faut penser à varier. Des lecteurs qui reste sur des lecture « de divertissement » je leur dirai qu’il passe à côté de quelque chose en ne tentant pas des lectures « plus difficiles ». Cependant, je suis en étude de Lettres, et avec une trentaine de classique à lire chaque, en partant du principe que je lit plutôt lentement, je suis déçue de ne pas avoir tant de temps pour lire des romans moins ardus d’un point de vue de style ^^
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Tu as raison : c’est toujours enrichissant de passer d’un style à l’autre (quel que soit le domaine, d’ailleurs), ne serait-ce que pour pouvoir dire si on aime ou pas sans se laisser influencer par les préjugés.
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