Dragon de glace, de George R.R. Martin

Figurez-vous, chers lecteurs, que j’ai lu Dragon de glace de G.R.R. Martin illustré par Luis Royo courant décembre et je me rends compte seulement maintenant que je ne vous en ai jamais parlé en dehors d’une petite allusion dans mes « 8 idées » de lectures pour Noël ! Il est donc grand temps de réparer cette erreur. Adepte du Trône de fer bien avant que la série n’apparaisse sur nos écrans, je vous avais déjà parlé du premier tome de cette saga de fantasy moderne et je ne vous avais pas caché mon admiration pour les talents de George Martin. En effet, en plus du Trône de fer, j’avais aussi adoré son roman isolé Riverdream parlant de vampires à sa façon et j’ai été très heureuse de me replonger une fois de plus dans son écriture avec Dragon de glace.

L’histoire est magique, le style de Martin est toujours aussi saisissant et les illustrations de Luis Royo s’accordent parfaitement avec l’ouvrage, mêlant douceur et rudesse à la perfection. Autant vous dire que j’ai adoré ce livre, adoré cette édition et que sa lecture fût un pur plaisir que je vous recommande volontiers – mais sous une couette avec une bonne boisson chaude parce qu’il y fait très froid !

Présenté comme un conte pour enfants, Dragon de glace n’est cependant pas peuplé de joyeusetés toutes légères. L’histoire est celle d’Adara, une jeune fille née au cœur de l’hiver dont la mère est morte en couches. On raconte que le froid se serait insinuée dans la mère pour prendre l’enfant qui, désormais, est aussi froide intérieurement qu’extérieurement : elle ne pleure ni ne rie et sa peau est glacée au toucher. C’est ainsi qu’Adara est la seule personne capable de toucher le merveilleux dragon de glace qui revient la voir chaque année avec l’hiver sans risquer de le faire fondre par sa chaleur corporelle. Cependant, cela provoque aussi la tristesse de son père qui ne ressent aucune chaleur dans les étreintes de sa cadette. Ce ne sera que lorsque les dragons de feu venus du sud menaceront leur vie paisible que cette fillette hors norme pourra se révéler.

Ligne horizontale

Hiver & solitude.

Ça va être difficile de vous le cacher : le froid et l’hiver occupent une place très importante dans cette histoire. En effet, l’hiver est le seul moment où le dragon de glace peut venir voir Adara sans risquer de fondre au soleil et c’est donc la période que la fillette attend chaque année avec impatience pour retrouver son glacial ami mais pas seulement. L’hiver est aussi la période où elle jouit du plus de liberté, pouvant seule s’aventurer dans les étendues glacées sans craindre le froid et pouvant seule approcher toutes ces petites bêtes hivernales qui craignent la chaleur. Ainsi, Adara aime l’hiver, s’amuse des heures durant dans la neige à se construire des forteresses et s’en languit tout le reste de l’année. L’hiver, en fait, est le seul moment où Adara semble trouver sa place dans l’univers alors que le reste de sa vie est déphasé. Pourtant, elle est seule à attendre l’hiver que tout le monde, au contraire, redoute. Tout l’hiver durant, son père, son frère et sa sœur dépriment d’être paralysés par le froid et la neige. Toute la population, de manière générale, attend plutôt l’arrivée du printemps et la fonte des glaces. Cet amour de l’hiver de la part d’Adara marque donc sa grande différence par rapport au reste de sa communauté. Elle n’est pas comme les autres, la chaleur de l’été manque en elle et elle se retrouve donc stigmatisée.

Malheureusement, à cause de cette différence, Adara est mise à l’écart du reste de la population. Même si les réactions ne semblent pas hostiles à son égard, sa différence empêche les gens d’aller réellement vers elle pour la découvrir. Son propre père ne parvient pas à créer le contact avec qu’elle car il ne sait pas comment l’approcher, n’arrive pas à la comprendre. De cette façon, cette histoire me fait beaucoup penser au handicap ou à la maladie : Adara est née avec cette sorte de « tare », une différence qui ne l’éloigne finalement pas tant que cela des autres mais qui demeure trop visible pour qu’elle puisse être acceptée entièrement et crée une distance entre elle et les autres, les gens censés représenter une « norme » dans laquelle elle n’entre pas. Plus largement, l’histoire parle donc de stigmatisation, de mise à l’écart et invite à l’acceptation. Adara a cette différence en elle, comme nous en avons tous chacun à notre manière mais elle ressemble pourtant plus aux autres qu’il ne le semblerait au premier abord et ne peut le prouver que lorsqu’elle est acceptée, lorsque sa présence est désirée.

Ligne horizontaleAbandon & renouveau.

Adara elle-même se sent très longtemps abandonnée, car sa mère est morte en couches et son père est distant à cause de cette froideur qui l’entoure. Elle souffre donc beaucoup de la solitude et se referme sur elle-même. Son seul ami, finalement, est ce fameux dragon qui revient toujours avec la même constance. Cependant, même cette relation est marquée par une forme d’abandon puisque le dragon doit nécessairement repartir à chaque printemps sous peine de fondre au soleil. Ainsi, il n’est pas surprenant que l’évolution d’Adara se fasse par le biais d’un abandon. Devant renoncer à son unique ami, elle peut enfin évoluer. Ce renoncement peut avoir plusieurs significations : si l’on reprend la thèse de la maladie, le dragon peut en être le symbole et leur séparation peut alors marquer sa guérison ; si l’on prend en compte l’âge d’Adara et l’aspect didactique du genre du conte, on peut voir cette séparation comme le symbole du passage de l’enfance – avec sa joie, ses jeux, son insouciance  – à l’âge adulte – qui la ramène à ses responsabilités, même si je ne vous en dirai pas plus. D’autres hypothèses sont sans doute tout aussi valables, mais ce sont celles-ci qui m’apparaissent – très personnellement – comme les plus évidentes mais, en tout cas, cet abandon a toujours un aspect bienfaisant. Il est douloureux mais conduit à une évolution positive.

C’est ainsi que le livre ouvre sur un renouveau. Se détacher de son passé ne signifie pas courir vers sa fin mais, bien au contraire, s’engager vers un nouveau début. Adara cesse de rejeter son environnement en acceptant de laisser partir l’hiver et se rapproche de cette façon de son entourage. On pourrait penser que, renonçant à sa singularité, Adara se fond dans le moule du commun mais elle n’oublie pas pour autant qui elle est : elle agit simplement en fonction des responsabilités qui lui incombent pour faire le plus grand bien possible autour d’elle. Elle s’intègre à la société, sans cesser d’être elle-même pour autant mais en cessant plutôt d’être renfermée sur elle-même. L’hiver et le dragon de glace formaient une forteresse de solitude – oui, comme Superman, vous voyez l’idée ! – autour d’elle, il était donc nécessaire qu’elle les abandonne pour s’ouvrir au monde et qu’elle commence une nouvelle histoire.

Mon petit avis sur Dragon de Glace de George Martin se conclut donc, un conte de toute beauté, qui se lit autant qu’il s’admire grâce à l’illustrateur Luis Royo. Si vous l’avez lu ou si vous comptez le lire – ou s’il vous rebute parfaitement, c’est une possibilité aussi ! -, n’hésitez pas à en discuter en commentaires. En attendant, je vous souhaite une bonne semaine et vous retrouve pour un nouvel article très bientôt mais « ceci est une autre histoire, qui sera contée une autre fois » nous a enseigné Michael Ende.

Publicité

12 réflexions sur “Dragon de glace, de George R.R. Martin

  1. Ping : Dragon de glace | Le Bibliocosme

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s