Après vous avoir parlé il y a un petit moment de Sacrées Sorcières, c’est aujourd’hui, chers lecteurs, d’un autre roman de Roald Dahl dont je voudrais parler : Matilda. Ce roman est connu de nombreux lecteurs qui ont pu le découvrir dans leur jeunesse ou, comme moi, beaucoup plus tard – j’ai l’impression que je viens de me traiter de vieille, là, non ? – mais il n’en laisse généralement aucun indifférent car il constitue une véritable ode à notre plaisir commun qu’est la lecture.
En effet, Matilda est une toute jeune enfant de 4 ans et demi, extrêmement précoce, qui sait déjà lire et écrire et qui dévore des romans à longueur de temps, au grand dam de ses parents qui préfèrent les joies de la télévision. Roald Dahl fait donc ici, en toute simplicité, une belle apologie de la lecture et une critique acerbe de la passivité intellectuelle. Cependant, le soutien qui lui manque, Matilda va le trouver à l’école, auprès de sa jeune enseignante Mlle Candy qui souhaite lui faire sauter des classes. Malheureusement, l’indifférence des parents de Matilda n’en faisant pas de bons antagonistes, il fallait bien qu’il y ait une méchante dans l’histoire et celle-ci, c’est Mlle Legourdin, la directrice de l’école, qui tyrannise impunément les enfants et interdit le passage en classe supérieure de Matilda. Mlle Candy la fait donc travailler secrètement sur des livres pour enfants plus âgés jusqu’à ce que, par hasard, Matilda se découvre un formidable pouvoir : la télékinésie. Dès lors, ses soucis vont trouver des solutions imprévues.
Lecture & ignorance.
Matilda, donc, est une lectrice invétérée. Dès le plus jeune âge, elle aime dévorer de nombreux romans et c’est ce qui la fait remarquer par Mlle Candy qui repère ainsi sa grande intelligence. Lecture et intelligence sont donc intimement liés dans ce roman de Roald Dahl. En effet, la lecture y est tout à la fois cause et signe d’intelligence. Je m’explique : c’est parce qu’elle a lu tous ces livres que Matilda est très en avance sur un enfant de son âge mais c’est également parce qu’on la voit lire ces livres qu’on sait qu’elle est plus intelligente et c’est enfin par la lecture que Mlle Candy va lui proposer de continuer à développer cette intelligence. Évidemment, c’est très agréable pour le lecteur : nous qui aimons nous identifier au héros, quoi de plus simple que de s’identifier à une jeune lectrice insatiable ? D’autant plus que si lire est une preuve de son intelligence, alors nous pouvons nous sentir intelligents avec elle ! Ainsi, le procédé d’identification et d’attachement au héros est très facile dans ce livre. Matilda, cette petite fille vive, adorable qui aime lire autant que nous mais qui est dédaignée par sa famille et maltraitée par sa directrice d’école donne forcément envie de la cajoler, de prendre son parti, et rend jubilatoire le moment de sa vengeance.
Pour contraster cela, nous avons la famille de Matilda. Ses parents et son frère n’ont, finalement, pas vraiment de caractère individuel développé : ils sont tous trois très semblables, happés par la télévision, plaisir totalement passif qui vient s’opposer à la lecture active de Matilda. Quand la jeune fille réfléchit et apprends par le biais de ses livres, sa famille stagne continuellement dans son ignorance et ne cherche aucunement à évoluer. Ce sont donc deux manières de vivre qui s’opposent fondamentalement : la recherche du savoir de notre petite héroïne est clairement mise en valeur face à une majorité ignorante et, de la même façon, le petit lecteur de Roald Dahl pourra se sentir valorisé par rapport à ses camarades qui n’aimeraient pas lire – en adoptant la théorie qu’il s’agisse là d’un livre jeunesse, même si des lecteurs plus âgés pourront aussi y trouver leur compte. Ceci est mis en exergue par les dons que développe Matilda : c’est son intelligence et son envie d’agir qui lui font accéder à la télékinésie à laquelle elle n’aurait pu prétendre en restant passivement assise devant la télévision. Bien sûr, cela a un côté très magique : tout comme nous rêvions de recevoir, un jour, notre lettre pour Poudlard – ou rêvons encore, je ne désespère pas : Voldemort a dû mettre une sacrée pagaille dans les services postaux, normal qu’il y ait du retard ! -, nous avons rêvé de nous découvrir, un jour, capables de déplacer un verre d’eau par la pensée. Mais, ce qui est très malin, c’est que Matilda n’accède à la télékinésie que lorsqu’elle est bloquée dans son développement intellectuel et la perd lorsqu’elle peut à nouveau apprendre ; ainsi, le lecteur n’a pas à se sentir relégué à la masse ignorante s’il n’arrive pas à faire bouger les objets par la pensée : il est juste épanoui intellectuellement ! Bref, tout est fait pour que le lecteur dédaigne l’ignorante famille accro à la télévision pour se sentir proche de la savante Matilda.
Amour & soumission.
L’amour est un thème très important dans ce roman car, on le sent dès le début, c’est ce dont manque le plus Matilda et, surtout, c’est ce qui va la rapprocher de Mlle Candy. En effet, toutes deux souffrent du même manque affectif et vont le combler en ressentant très vite un profond attachement l’une pour l’autre. Ainsi, plus encore que leur intelligence commune, c’est leur sensibilité qui les fait se ressembler. On se rend compte que c’est l’absence d’amour filial qui est d’abord cause de tous leurs soucis : d’un côté, on a Matilda que ses parents ignorent allègrement, de l’autre côté, on a Mlle Candy qui est tyrannisée par sa tante, Mlle Legourdin. Pour se rétablir de ce peu d’égards que leur famille leur porte, toutes deux vont suivre le même schéma en se vengeant d’abord (Matilda par les divers petits tours qu’elle joue à ses parents, Mlle Candy en récupérant son héritage) puis en se détachant de cette famille qui les a fait souffrir (puisque les deux partent loin à la fin du roman) et en se reconstituant une famille lorsqu’elles s’installent toutes les deux ensemble. Voilà donc le dénouement heureux auquel elles aspiraient jusque là : elles ne souhaitaient rien de plus que de vivre dans un foyer aimant dans lequel elles puissent enfin s’épanouir.
La soumission, enfin, est un motif récurrent dans Matilda. En effet, toute l’école (élèves comme professeurs) est soumise à la tyrannie de Mlle Legourdin, de même que Matilda et Mlle Candy le sont dans leur cadre familial. Les gentils doivent donc s’émanciper de la domination des méchants dont ils sont victimes. On a là un véritable plaidoyer en faveur des enfants victimes de violences scolaires, encourageant les faibles à se rebeller, à s’unir pour ne plus laisser les forts agir, leur rappelant que ces tyrans ne représentent qu’une minorité et que l’intelligence peut venir à bout de la force brute. Cet ouvrage est donc vraiment un ouvrage destiné aux isolés, aux laissés pour compte, à ceux qui ont l’impression de ne pas avoir d’importance et qui peuvent constater, ici, qu’un peut de volonté peut nous rendre maître de notre destin. Jusqu’alors, Matilda et Mlle Candy n’agissaient pas, elles subissaient, vivaient sous le contrôle de ceux qu’elles pensaient ne pas pouvoir défier ; désormais, elles sont libres de leurs choix et peuvent enfin décider elles-mêmes d’embellir l’avenir qui les attends à bras ouverts.
Voilà donc ce que j’ai retenu de ma lecture de Matilda de Roald Dahl ! Et vous, quel souvenir avez-vous gardé de ce livre ? J’attends vos réactions et je vous dis à bientôt pour un autre article mais, pour ne pas citer Michael Ende, « ceci est une autre histoire, qui sera contée une autre fois ».
Je n’en retiens malheureusement que le film car je ne l’ai pas encore lu ! Mais si le film est bien, ce devrait aussi être le cas du livre 🙂
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Tout au contraire, je n’ai pas encore vu le film mais c’est sur ma To Do List de Noël ! :p
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J’espère qu’il te plaira ^^
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De même pour le livre !
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J’avais lu Charlie et la chocolaterie au collège, il faudrait que je lise ce petit opus sur une jeune lectrice insatiable! Il a l’air vraiment chouette 🙂
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Je ne l’ai pas lu, mais ton billet me donne vraiment le goût! Merci!
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C’est mon préféré de l’auteur, j’aime beaucoup ton analyse, que je trouve très pertinente 🙂
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Je crois que je ne les ai jamais lu! Une lacune qu’il faudrait que je comble un jour 🙂
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Ah super souvenir de mon adolescence !!! Livre que j’ai dévoré ! Je suis entièrement d’accord avec Valentine sur ton analyse ! Toi aussi tu n’as toujours pas reçu ta réponse pour Poudlard ? 😉
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La pluie de lettres ne saurait tarder dans mon radiateur (faute de cheminée), j’en suis certaine ! ^^
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😉
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Mathilda quel grand souvenir j’adore ce livre ! Ta chronique m’a donné envie de le relire 🙂
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Si ça t’a donné envie de le relire, alors mon article a rempli son office ! :p
Lire Roald Dahl constitue toujours une belle replongée en enfance, pour moi^^
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Pour moi aussi et c’est très agréable ! Exactement, il l’a rempli à merveille 🙂 merci !
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Mathilda est l’un de mes Roald Dahl préféré avec Charlie et la chocolaterie. Qu’est-ce que j’ai pu les lire ces livres pendant mon enfance!
Et comme tu le dis si bien, on se sent très vite proche de Mathilda, c’est l’une des grande force de ce livre.
En lisant ton article, je me suis rendue compte que j’avais oublié certains aspects du livre! Un relecture serait-elle d’actualité? 😉
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Personnellement, mon projet de relecture, c’est Charlie et la Chocolaterie dont je ne me souviens plus que très peu en dehors du film ! C’est frais, c’est fin et ça se lit assez vite alors pourquoi hésiter ? 😀
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Coucou ! C’est Le livre qui m’a ensuite fais dévorer pas mal de livres ! Je me suis senti moins seule grâce à Matilda. Je me suis retrouvée en elle. Bravo pour cet article complet et vraiment bien écrit ! Biz !
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