8 idées… Reçues contre les littératures de l’imaginaire

     Comme vous le savez sans doute déjà – ou, sinon, comme vous allez très bientôt le savoir –, ce blog prône l’égalité des littératures de l’imaginaire avec tous les autres genres littéraires et, si vous êtes ici, il y a de fortes chances que vous en lisiez également. Or, certains a priori sont malheureusement encore bien vivaces et je pense qu’il est plus que temps de faire un petit focus sur ces idées reçues qui mènent la vie dure à la fantasy, la science-fiction et le fantastique. Aujourd’hui, je vous propose donc de voir un peu quels sont les arguments de nos chers détracteurs et, surtout, de voir jusqu’à quel point ils sont fondés.

    1 ‖ C’est infantilisant et régressif.

    Eh bien non, mesdames et messieurs, je suis désolée de vous décevoir mais la fantasy ne se résume certainement pas à « Oh les zolis dragons ! », pas plus que la science-fiction ne se résume à « Des robots, pfiou, pfiou ! ». Aussi surprenant que cela puisse paraître, les littératures de l’imaginaire peuvent être complexes, aborder des sujets autres que l’adolescence et ne sont pas vecteurs de merveilleux à la sauce Disney – bon, en vrai, j’adore les Disney mais ça, c’est un autre débat. Je vous accorde qu’on a beaucoup mis en valeur une littérature de l’imaginaire mettant en scène des enfants ou des adolescents répondant souvent à des problématiques de leur âge. Mais, d’une part, nombre de classiques mettent également en scène des enfants ou adolescents sans qu’on les accuse pour autant d’être infantilisants ou régressifs – sauf si on considère Dickens comme tel, par exemple ? – et, d’autre part, ce n’est pas parce que nous avons des personnages jeunes que leurs seules préoccupations doivent être leurs amourettes et l’apparition de leurs premiers poils. Venez donc me dire que La Roue du temps de Robert Jordan ou Le Trône de fer de George Martin sont écrits pour des enfants, tiens.


    2 ‖ Ça coupe totalement de la réalité.

    Alors cet argument-là, on doit reconnaître qu’il a été cherché de très loin. Il y a le mot « imaginaire » dans le nom donc, nécessairement, on s’éloigne de la réalité. J’en conclus alors que cette chère Emma Bovary, morte pour avoir perdu pied avec la réalité en se laissant emporter par ses lectures, était une grande adeptmadame-bovarye des littératures de l’imaginaire, n’est-ce pas ? Bien évidemment que les littératures de l’imaginaire font travailler l’imagination, qu’elles font rêver et s’échapper du quotidien mais n’est-ce pas le propre de toute fiction ? Ce n’est pas pour autant qu’elles ne comportent pas de morales et autres leçons applicables à notre vie de tous les jours, il suffit juste de prendre cinq minutes pour y réfléchir un peu plutôt que de s’arrêter à un sens strictement littéral, eh oui. Prenons un exemple jeunesse pour bien enfoncer le clou : dans Artemis Fowl, Eoin Colfer parle de fées à la technologie sur-développée et prône un message profondément écologique – ah, l’écologie, quelle notion totalement éloignée de la réalité !


    3 ‖ Ça ne véhicule aucune idée.

    Un nom me vient immédiatement en tête en entendant cela : Terry Pratchett. Celui qui peut penser que la fantasy, la science-fiction ou le fantastique ne véhiculent aucune idée n’ont jamais ouvert un tome des Annales du Disque-Monde. Dans cette série complètement barrée qui reprend les codes de la fantasy pour mieux les détourner, Pratchett critique allègrement la politique, les dérives religieuses, la fascination des idoles, les règles des tragédies classiques, les stéréotypes des contes de fées… Bref, niveau idées, on est servi. Et c’est, bien sûr, loin d’être le seul auteur qui profite des littératures de l’imaginaire pour faire passer un message engagé. À tout hasard, je parlerais, par exemple, du 1984 d’Orwell dont les enjeux ne sont plus à présenter. Un auteur de science-fiction qui dénonce les dérives de l’État et le contrôle des masses, ça existe donc bel et bien.


    4 ‖ C’est loin d’égaler un grand classique.

    Je répondrais à cela que, avant de devenir de « grands classiques », ces livres également ont parfois été vivement critiqués par leur contemporains. Alors, comment pouvons-nous prédire ce que seront les classique1984s de demain ? Pour ma part, je range déjà Orwell, Poe ou Wilde parmi les classiques, or n’ont-ils pas justement écrit dans ces domaines si critiqués ? Bref, la notion de ce que nous appelons « classiques » – et je ne parle pas là, bien sûr, du genre littéraire lié au mouvement du classicisme mais de ce qui est classique en ce qu’il est enseigné dans les classes – est objective et peut évoluer avec les générations. De plus en plus d’exemples de littérature contemporaine sont utilisés dans les jeunes classes pour donner aux enfants le goût de la lecture et il se peut très bien que, dans quelques années, ces œuvres se retrouvent inscrites aux programmes officiels, entérinant ainsi leur entrée parmi les « classiques ».


    5 ‖ Ça crée un écart générationnel.

    On dit souvent cela car on considère que c’est la « jeune génération » qui lit ce type de littérature tandis que les plus âgés n’en ont jamais ouvert. Alors, déjà, je tiens à préciser que des plus de 40ans qui lisent des littératures de l’imaginaire, ça existe. Ce n’est pas réservé aux moins de 30ans, bien au contraire, c’est ouvert à tous. Ensuite, ceux qui avancent cet argument sont souvent ceux qui, justement, appartenant à la « vieille génération » et étant fermement attachés à leurs classiques, refusent la possibilité d’ouvrir ces livres qu’ils dédaignent tant. Alors que, bien au contraire, même s’ils n’en lisent pas tous chaque jour, les lecteurs de littératures de l’imaginaire sont rarement aussi fermés et lisent volontiers un classique de temps en temps – personnellement, j’estime lire autant d’imaginaire que de classique – donc si quelqu’un est responsable de ce prétendu écart générationnel, ce n’est certainement pas le lecteur de littératures de l’imaginaire.


    6 ‖ Ça ne mérite pas qu’on y consacre des études.

    Sauf que des études y sont déjà consacrées ! Je vais prendre, comme exemple, le plus étudié de tous : J.R.R. Tolkien a déjà nombre d’études qui sont consacrées à ses œuvres de fiction, d’autant plus pertinentes qu’il était professeur à l’université et linguiste lui-même. Et il est loin d’être le seul. Si vous faites des recherches à un niveau11 universitaire, vous trouverez aussi bien des études sur Robert E. Howard, sur Terry Pratchett, sur Isaac Asimov et sur bien d’autres noms encore qui vous seront familiers si vous frayez dans le milieu des littératures de l’imaginaire. Ces études, vous le remarquerez si vous souhaitez y jeter un coup d’œil, sont tout aussi développées, justifiées et pertinentes que n’importe quelle autre étude portant sur un autre genre littéraire.


    7 ‖ Ce n’est pas de la culture.

    Ne vous en déplaise, la culture ne se limite pas aux arts d’il y a trois siècles. Sans être fan de sculptures contemporaines, je me dois d’admettre qu’il s’agit de culture malgré tout car elles proposent une autre vision du monde et s’intègrent ainsi au paysage artistique de notre époque. De même, les littératures de l’imaginaire reflètent un certain aspect de notre monde actuel, un besoin de s’évader, de repartir de zéro, d’imaginer un autre monde, un autre passé, un autre avenir, un autre possible… Bref, les littératures de l’imaginaire sont représentatives d’une groupe social, porteuses de valeurs communes et sont donc une part prenante de la vie culturelle actuelle. Plus encore, nombre d’ouvrages de fantasy font référence à des mythes passés et, en science-fiction, nombreux sont ceux qui s’appuient sur des faits historiques pour débuter leur histoire, intégrant ainsi ces œuvres à une culture littéraire plus large encore.


    8 ‖ Ça ne vaut pas mieux qu’une BD ou qu’un manga.

    Là-dessus, je suis parfaitement d’accord. Non, la littérature de l’imaginaire ne vaut pas mieux qu’une bande dessinée ou un manga. Et j’irai même plus loin : un livre, de manière générale, ne vaut pas « mieux » qu’une bande dessinée ou un manga. Personnellement, oui, je préfère lire un roman mais ça reste un goût personnel et je ne me permettrais pas, pour autant, de dénigrer d’autres supports culturels et entre un roman de gare au contenu affreusement plat et dépourvu de sens ou une bande dessinée qui, par exemple, rédige tous ses textes en alexandrins – je ne citerai aucun nom mais un léger parfum de noisette me titille les narines –, je n’hésiterai pas à dire que, parfois, une bande dessinée ou un manga peuvent valoir mieux qu’un livre rempli de mots tous plus creux les uns que les autres.

    Et voilà donc ce que j’avais à répondre aux idées reçues qu’on entend encore trop souvent à propos des littératures de l’imaginaire. Si vous avez autre chose à ajouter, si vous voulez compléter des réponses ou proposer d’autres idées reçues supplémentaires, les commentaires n’attendent que vous ! En attendant, continuons à promouvoir ensemble ces littératures qui nous font tant rêver et je vous dis à très bientôt !

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13 réflexions sur “8 idées… Reçues contre les littératures de l’imaginaire

  1. Coucou!
    Bravo pour cet article! L’idée est excellente et cela remet les pendules à l’heure!
    Certains genre littéraires sont malheureusement très critiqués depuis toujours. Personnellement, certains membres de mon entourage ne comprennent mon amour pour la littérature jeunesse et les livres illustrés (parce que la BD et les mangas ne sont pas forcément destinés aux enfants, c’est même rarement le cas!). Pour eux, la littérature jeunesse est exclusivement réservé aux enfants et il faut avoir un grain pour en lire quand on a 25 ans… Donc je dois expliquer les subtilités (car la littérature jeunesse ne s’arrête pas aux livres pour les 15-16 ans!) et limite me justifier sous peine de passer pour une attardée.
    C’est tellement pénible ce dédain qui existent envers certains genres littéraires… Franchement, pourquoi? Je ne suis pas fan de classiques (même si il y en a que j’aime) mais je ne vais pas aller dire aux personnes qui adorent qu’ils ont une mentalité de personne âgée. A croire que pour certains, c’est la seule littérature acceptable avec les contemporains. Cela me met toujours hors de moi! Je m’arrête donc là avant de commencer à m’exciter X’D Merci en tout cas! Bises!

    Aimé par 3 personnes

    • C’est exactement ça ! On rabaisse certaines littératures sous des prétextes fallacieux alors qu’il suffirait de s’y intéresser un minimum pour se rendre compte de la diversité et de l’intérêt qu’on peut y trouver. Après, je ne dis pas, de la littérature jeunesse ou imaginaire pourrie, il y en a, c’est toujours très inégal mais c’est vrai aussi en littérature classique sauf qu’on ne s’en rend pas compte car on ne conserve que les meilleurs en tête. Et surtout, qu’on aime ou non les œuvres classiques, on en a lu (ou on a tenté, au minimum^^) pour pouvoir émettre un jugement, on ne s’arrête pas à de vagues a priori trop souvent répétés pour les dénigrer !
      En tout cas, merci pour ton commentaire, c’est rassurant de voir qu’on est plusieurs à défendre ce genre de causes^^

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    • C’est vrai que quand on a un entourage direct compréhensif, on entend rarement ce genre de critiques et mes proches n’iraient jamais sortir ce genre de choses mais, quand on arrive à un niveau universitaire, l’indifférence du corps enseignant pour ce genre de littératures devient assez vite évident. On remarque bien que, pour la plupart, un sujet traitant d’Harry Potter et consorts manquent de sérieux.
      Pour ce qui est des critiques les plus virulentes, je me suis largement inspirée de ce « magnifique » article, dénigrant allégrement toutes les littératures n’étant pas classiques et jugées intellectuellement suffisantes par la personne, si jamais ça t’intéresse : http://blog.lefigaro.fr/education/2010/12/-les-jeunes-lisent-ou-le-prototype-de-lescroquerie-intellectuelle.html
      Voilà, c’est mon expérience personnelle qui parle après, mais si tu peux éviter ce genre d’avis assez très intolérants, tu as beaucoup de chances et j’espère que ça continuera car ça prouvera peut-être qu’ils sont de moins en moins répandus^^

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    • J’ai été horrifiée en lisant l’article dont tu m’as mis le lien! Mais merci beaucoup, j’ai tout de même trouvé ce point de vue intéressant même si je suis loin de penser la même chose et je suis bien contente de ne pas avoir ce genre d’avis autour de moi!

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  2. Très intéressant cet article. Cette opposition entre les genres m’agace aussi prodigieusement et tous les arguments posés pour descendre la litt de l’imaginaire peuvent souvent être descendus aisément. Sauf que les « opposants » font souvent la sourde oreille et ne daignent pas s’intéresser au sujet alors que (presque) tout le monde a lu au moins un classique dans sa vie. Pour info, j’ai fait mon mémoire de master sur la série Chair de Poule, ce qui a bien fait marrer tout le monde au début mais j’ai eu 18 et les félicitations du jury (mon moment de gloire, j’avoue !) xD

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    • Je trouve ce sujet absolument génial, j’aurais vraiment aimé être là pour voir ça ! J’ai une amie qui vient d’avoir la même note avec un Mémoire faisant des comparaisons entre Tolkien et la littérature antique, comme quoi il n’y a pas de sujet inférieur à un autre^^

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  3. Olalalalalalalalalala je suis sur les fesses après avoir lu ton article !^^ waouah quoi ! On voit que ça te prend aux tripes de défendre la littérature imaginaire (que j’apprécie énormément ^^) !

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  4. Je suis tellement daccord avec toi sur certains trucs!! Cest vaste le terme « classique » et ce nest pas que les Austen et compagnie qui y ont une place pour moi Harry Potter dst un classique (de limaginaire mais classique tout de meme) et pour moi effectivement un manga une BD et un livre (jy comprend ici le terme large du pavé rempli uniquement de mots) sont des supports differents et on ne peut comparer un genre literaire a une categorie (manga bd ou livre) je sais pas si cest francais haha mais je sais que mon pere me sort souvent quil faudrait que je grandisse et que jarrete avec ce style de lecture –‘

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  5. J’aime vraiment beaucoup te lire !
    Je suis entièrement d’accord avec tous tes arguments, malheureusement le fait de ne plus avoir 12 ans et de lire des livres traitant de l’imaginaire est encore « mal vu ». Du coup beaucoup de gens se sentent obligés de te juger ou de te « donner des conseils pour grandir » (comme si tu étais entrain de fumer un gros pétard devant eux tu sais…)

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