Hunger Games 1, de Suzanne Collins

       Aujourd’hui, chers lecteurs, nous parlerons donc du premier tome de la trilogie qui a rendu Suzanne Collins connue auprès du grand public : Hunger Games. Avec un petit peu – beaucoup ? – de retard, j’ai enfin lu ces trois livres après avoir vraiment aimé les trois premiers films et n’en pouvant plus d’attendre la sortie du quatrième. Il est très rare que je sois enthousiaste à l’idée de lire un livre après avoir vu son adaptation cinématographique car cela me gâche énormément la lecture de laquelle tout suspense est désormais absent – j’adore relire des livres que j’ai déjà lu, en revanche, pour en savourer chaque détail mais c’est… différent ! – et qui ne me laisse pas m’immerger aussi bien puisque mon imagination ne peut plus se représenter les personnages autrement qu’avec la tête des acteurs. Cependant, je n’ai pas été déçue – loin de là, même – d’avoir fait cette exception. En ouvrant le livre, je ne savais absolument pas à quoi m’attendre en question de style de l’auteure et j’ai d’abord été déroutée par le récit à la première personne du singulier et au présent de l’indicatif – par réflexe, je lisais automatiquement les verbes au passé simple avant de devoir rétablir le temps du récit – mais on s’y fait finalement assez rapidement et on devient vite incapable de lâcher ce livre dont l’histoire ne laisse aucun temps mort.


Les Hunger Games sont donc une émission de télé-réalité mise en place par les riches gens du Capitole et voyant s’affronter deux enfants de chacun des douze districts, ces quartiers qui ont autrefois tenté de se rebeller contre le Capitole et qui, par ce biais, se souviennent chaque année de sa toute puissance. La narratrice, Katniss Everdeen, seize ans, vit dans le douzième et plus pauvre district, chargé de récolter du charbon pour le Capitole, et chasse illégalement pour nourrir sa mère et sa petite sœur, Primrose. Hors, lors du tirage au sort désignant les deux candidats des soixante-quatorzième Hunger Games, la jeune Prim est choisie : Katniss ne peut le supporter et se porte volontaire pour prendre sa place. Avec elle, part Peeta, le fils du boulanger qui lui a autrefois sauvé la vie et qui fond pour ses beaux yeux – non, ce n’est pas du spoil : si vous êtes comme moi, vous serez bien assez vite gavé par le triangle amoureux pour que ça n’en soit pas ! Le but du jeu ? Au cœur d’une arène, les vingt-quatre candidats devront s’entre-tuer jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un. Bref, un univers tout ce qu’il y a de plus charmant. Le quotidien de Katniss est fait de sacrifices, de violences et de privations avant même d’être moissonnée pour les Jeux et cela ne fait bien sûr qu’empirer après leur commencement. Il apparaît très vite que l’organisation très sectaire de cette société fondée sur les ruines de l’ancienne Amérique est parfaitement injuste et que le climat qui y règne ne peut que mener à un effondrement de ce fragile équilibre. C’en est presque à se demander comment ce système a pu tenir aussi longtemps.

Ligne horizontale        Passé & présent.

       Ce premier livre de la trilogie commence in medias res, immédiatement au cœur de l’action. Nous sommes donc tout de suite plongés dans le quotidien d’une adolescente dont on ne sait rien, dans un monde dont on ne connaît ni la culture, ni les valeurs. Ainsi, pour que le lecteur ne se retrouve pas perdu et puisse découvrir cet univers si différent du sien, l’auteure fait une série de retours en arrière ; elle rappelle ce qui est arrivé par le passé, souvent via les souvenirs de son héroïne, parfois grâce aux discours officiels serinés à la population, afin d’informer progressivement le lecteur sur la situation dans laquelle cette réalité a vu le jour. On apprend ainsi très vite que Panem (signifiant « le pain », en latin, nous rappelle-t-on) a été fondé sur les vestiges de notre Amérique actuelle – et qui est visiblement la seule civilisation à avoir survécu tandis qu’on n’entend plus parler d’aucun autre pays, que ce soit sur ce continent ou un autre ; sans doute la sélection naturelle s’en est-elle mêlée pour ne laisser que les meilleurs régner, n’est-ce pas ? De la même manière, on apprend la chute du district treize qui a été rasé de la carte pour avoir tenté de se rebeller contre le Capitole et la mise en place des Hunger Games pour commémorer cet événement et tout cela est placé sur le même plan historique du point de vue de Katniss. De cette façon, Suzanne Collins crée une sensation de réalisme pour le lecteur : en mélangeant des références réelles à une histoire inventée, elle suggère que cela pourrait effectivement arriver, procédé classique de la science-fiction.
Mais plus encore, par son récit uniquement fait au présent (mis à part les récits rapportés), l’auteure inscrit encore plus fortement l’histoire dans une temporalité à part : le temps des événements fusionne avec le temps de l’écriture et le temps de la lecture ; autrement dit, le lecteur n’assiste plus à une histoire qui s’est passée, se passera ou pourrait se passer mais est partie prenante d’une histoire qui se déroule avec lui (ce que vient encore renforcer le point de vue interne sur les sentiments de Katniss qui favorise l’identification). Si tout nous paraît inconnu dans ce monde quand on ouvre le livre, cette sensation disparaît bien vite et on se retrouve à y déambuler comme chez nous grâce à une série de repères qui font écho à des choses connues, de façon plus ou moins directe (la division de la population en ordres rappelant les trois ordres du Moyen-Âge – oratores, bellatores, laboratores –, le système politique du Capitole et son incitation à la surconsommation exagérant notre système actuel, les codes de notre télé-réalité actuelle repris pour la présentation des Hunger Games, etc.), nous intégrant ainsi totalement au récit.

Ligne horizontale        Sacrifice & division.

       Le système des Hunger Games est avant tout placé sous le signe du sacrifice. En effet, – cela n’aura échappé à personne – pour chaque gagnant des Hunger Games, il y a vingt-trois autres participants sacrifiés et c’est précisément le but de ces Jeux : rappeler que la vie de chaque habitant des districts dépend du bon vouloir des habitants du Capitole et pour cela, rien de plus efficace que de les condamner à mort. Ainsi, le Capitole sacrifie des jeunes tous les ans pour maintenir la pression de son pouvoir en place et les districts acceptent – plus ou moins volontairement mais, jusque là, ils ne s’y opposent cependant pas et les laissent partir – ce sacrifice pour éviter les répressions mais il s’agit alors d’autres personnes qu’eux-mêmes – on pourra m’arguer que les familles des candidats se sacrifient aussi en laissant mourir leurs enfants mais pour une famille en deuil, il y en a des milliers qui ne connaissaient pas personnellement les sacrifiés donc ça reste anecdotique, pour autant qu’une mort puisse l’être. Finalement, c’est cela qui différencie Katniss des autres personnages de ce roman : elle est la seule à se sacrifier elle-même – dans cette histoire, je ne parle pas dans l’histoire des Hunger Games en général puisque cela n’intervient pas directement dans ce livre. Katniss est celle qui se sacrifie, se condamne à une mort quasi certaine, et cela uniquement pour protéger sa sœur, se distinguant ainsi des personnages secondaires et faisant d’elle une héroïne à part entière. Eh oui, il aurait été beaucoup plus simple de l’envoyer aux Jeux en la faisant tirer directement au sort dans l’urne mais non, Suzanne Collins rajoute ce ressort dramatique et ne trouvez-vous pas cela autrement plus fort de voir Katniss volontaire que désignée par le hasard ?
Ce sacrifice de Katniss, on le voit assez rapidement, est ce qui va entraîner l’union d’une population jusqu’alors marquée par la division. Respectant à la lettre le vieux dicton « diviser pour mieux régner », le Capitole a tout d’abord séparé la population défavorisée en districts qui n’ont presque aucun contact les un entre les autres puis a encore divisé les habitants aux sein même de ces districts par le biais des Hunger Games. En effet, si les familles des candidats désignées sont en deuil au départ de leurs enfants, combien se réjouissent finalement que le sort ne soit pas tombé sur leurs propres enfants ? Je pense notamment au repas que préparent Katniss et sa famille avant le tirage au sort qui désigne Primrose : elles avaient toutes les trois prévu, comme chaque année, de s’offrir un repas de fête dans la soirée pour célébrer le fait d’être encore toutes ensemble. Autrement dit, elles comptaient célébrer le fait qu’un autre enfant du district soit désigné pour partir affronter les Hunger Games et on sait, par le biais de Katniss, que ce sera le cas dans chaque foyer encore complet ce soir là. On voit, dès lors, quel manque d’union règne au sein du district : plutôt que de se soutenir les unes les autres, les familles, divisées, pensent à leur bien propre au détriment de celui des autres. Sans doute est-il naturel d’être moins touché de l’envoi à l’abattoir d’un enfant que l’on ne connaît pas ou peu que par la promesse de mort d’un membre de sa propre famille, il n’en est pas moins vrai pour autant que cette division, ce manque de soutien entre les familles, aide incontestablement le Capitole à conserver son pouvoir.

   Et voilà, nous en avons fini avec le premier tome d’Hunger Games. Nous nous retrouvons bientôt pour le second tome mais, pour paraphraser Michael Ende : « ceci est une autre histoire, qui sera contée une autre fois ». En attendant, n’hésitez pas à me laisser votre avis sur ce livre et à la semaine prochaine !

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