Sacrées Sorcières, de Roald Dahl

       Pour ce nouveau petit papier, chers lecteurs, je me suis plongée dans la lecture d’un roman du célèbre auteur de Charlie et la chocolaterie : Roald Dahl. Voulant en découvrir un peu plus sur cet auteur qui m’a fait autant rêver sur papier que sur grand écran, j’ai tourné ma lecture vers Sacrées Sorcières, livre dédié à la jeunesse mais dont je peux vous assurer qu’il se savoure à tout âge. Très rapide à lire, sa syntaxe est forcément simple pour s’adapter au public visé mais pas moins agréable pour autant, bien au contraire. Dans ce roman, un jeune garçon anglais qui vient de perdre ses parents va vivre chez sa grand-mère qui s’avère être une véritable spécialiste en sorcières – j’aime beaucoup le terme de « sorcièrologue » qu’emploient les personnages de Roald Dahl, soit-dit en passant. Le livre est donc constitué de nombreux dialogues entre la grand-mère et son petit-fils sur les habitudes et l’apparence des sorcières mais aussi en une terrible confrontation avec la Grandissime sorcière qui projette de transformer tous les enfants d’Angleterre en souris. En tentant de l’arrêter, le jeune héros se fait lui-même transformer.


Se posent alors de nombreuses questions sur l’éducation des enfants, sur leur crise identitaire, sur leur rapport aux autres et au monde ou encore sur la définition des limites entre réalité et fiction. Questions auxquelles répond à sa façon Roald Dahl, une façon décalée, parfois presque délirante – qui d’autre conseillerait aux enfants de se laver le moins possible pour que leur odeur n’attire pas les sorcières ? – mais adaptée à un jeune lectorat aussi bien qu’à des lecteurs plus âgés souhaitant replonger en enfance et qui présente, avant tout, la formidable relation qui peut lier une grand-mère et son petit-fils.

Ligne horizontale        Soi-même & les autres.

       La crise identitaire est l’un des sujets principaux du roman. En effet, le petit-fils (qui n’est jamais nommé) et un autre jeune garçon, Bruno, se font tous deux transformer en souris – ce qui est le meilleur moment pour se demander qui ils sont, évidemment. Les deux personnages sont de parfaits opposés : quand le protagoniste est un jeune garçon modèle, aimant, curieux et imaginatif, l’autre garçon, lui, est totalement égocentrique et ne pense qu’à manger. En somme, le premier est ouvert au monde alors que le second a l’esprit complètement fermé sur lui-même. Ainsi, ils ont deux réactions également opposées à la transformation : le petit-fils s’en rend compte immédiatement et voit ses sens ainsi que son esprit affûtés tandis que Bruno ne s’aperçoit même pas qu’il a changé de corps et ne change rien à sa vie, se contentant de continuer à dévorer inlassablement tout ce qui lui tombe sous la patte. Nous voyons ainsi la différence entre un garçon capable d’évoluer et de s’adapter à un nouveau corps, au point de préférer celui-ci à son ancien corps, et un garçon désabusé, incapable de changer. Je ne pense pas trop prendre de risque en affirmant que cela ressemble beaucoup à une allégorie du passage de l’enfance à l’adolescence qui peut être bien vécu si on est prêt à l’accepter ou être catastrophique si on décide de le nier et de rester enfermé dans son propre monde sans aller de l’avant.

    Le rapport à soi-même passe aussi par le rapport avec les autres et cela est très bien mis en évidence par Roal Dahl. En effet, Bruno, ce petit garçon si fermé sur lui-même, a des parents peu commodes – absolument imbuvables, soyons honnêtes – qui refusent toute discussion lorsque grand-mère essaye de leur expliquer que leur fils a des ennuis et l’envoient promener comme une malpropre. Plus encore, même lorsqu’ils finissent par admettre la vérité – bon, ça on ne peut pas trop le leur reprocher : difficile d’avaler que son fils a été transformé en souris –, ils n’ont pas davantage d’égards pour cette vieille femme qui a voulu les aider et ne se soucient pas outre mesure du bien-être de l’enfant-souris mais plutôt de comment eux-mêmes vont pouvoir vivre avec. Autrement dit, ils ne sont pas moins égocentriques que leur fils et le père est l’exemple même de ce que le jeune Bruno aurait pu devenir en grandissant : un homme borné et égoïste, incapable d’ouverture d’esprit. De nouveau, cette famille vient s’opposer à celle du protagoniste : celui-ci vient de perdre ses parents et n’a plus que sa grand-mère au monde mais elle est tout pour lui et inversement. La complicité entre eux est indéniable, l’amour que cette vieille dame porte à son petit-fils transcende tout, au point de lui permettre que celui-ci soit désormais un souriceau et d’adapter sa vie en conséquence. De même, le protagoniste aime sa grand-mère au point de ne pouvoir imaginer vivre sans elle et est prêt à la suivre où qu’elle soit. Ainsi, ils se rendent meilleurs l’un l’autre et n’ont besoin de rien de plus pour vivre heureux.

Ligne horizontale        Peur & apprentissage.

       La peur des sorcières est bien sûr au cœur du roman. Que ce soit le petit-fils auquel la grand-mère apprend à craindre les sorcières par ses diverses histoires ou les autres enfants qui n’ont pas la chance d’avoir un parent sorcièrologue – décidément, j’adore ce mot ! – pour les protéger, il est enseigné que chaque enfant devrait avoir peur des sorcières et donc, par ce biais, le jeune lecteur est encouragé à s’en défier aussi. En effet, la grand-mère commence sa leçon sur les sorcières par l’histoire de cinq enfants qu’elle a vu disparaître dans sa vie, enlevés par les sorcières. Elle cultive ainsi la peur des sorcières chez son petit-fils, le rendant ainsi extrêmement attentif à ce qu’elle va lui dire ensuite. Et cela est plus qu’efficace : le jeune garçon est totalement tétanisé lorsqu’il est approché par une femme qu’il soupçonne être une sorcière, échappant ainsi à ses griffes acérées. De même, la peur lui permet de se cacher, de fuir, de survivre. Eh oui, la peur est ici exposée comme le meilleur mécanisme de survie. Au lieu d’encourager à la bravade, de suggérer de se battre contre les sorcières ou de faire le fanfaron, ce roman prouve qu’il est naturel d’avoir peur et qu’il ne faut pas s’en cacher car la peur est utile. Cela ne fait pas de notre jeune protagoniste un poltron pour autant : loin d’être lâche, il surmonte sa peur et s’en sert pour se motiver, pour accomplir des prouesses dont ni lui, ni personne ne l’aurait cru capable et devenir un véritable héros. En bref, une belle leçon pour le jeune lectorat – et le moins jeune aussi, d’ailleurs.

   Et ceci est loin d’être la seule leçon incluse dans ce livre, qui est en fait un véritable roman d’apprentissage. Non seulement il enseigne de se méfier des sorcières, de ne pas avoir peur de la peur, d’être ouvert au monde et aux autres – ce qui fait déjà beaucoup –, mais il enseigne aussi bien plus encore. Dans les nombreuses leçons que la grand-mère donne à son petit-fils, elle lui apprend notamment – et nous apprend, par la même occasion – la prudence, la méfiance et, surtout, l’importance d’être bien informé sur son ennemi – comme l’a dit le Parrain : « Garde tes amis près de toi, et tes ennemis plus près encore ». La grand-mère enseigne ainsi l’importance de la connaissance elle-même : ce n’est qu’en connaissant parfaitement chacune des règles pour reconnaître les sorcières et chacune de leurs forces et faiblesses qu’ils peuvent espérer les combattre et il en va de même pour nos démons personnels dans la vie de tous les jours. Alors, qu’est-ce qu’on dit ? Merci, grand-mère !

      Voilà ce que j’ai retenu de Sacrées Sorcières de Roald Dahl, n’hésitez pas à me laisser votre avis dessus dans les commentaires et je vous dis à la semaine prochaine pour un nouveau petit papier mais, pour paraphraser Michael Ende, « ceci est une autre histoire, qui sera contée une autre fois ».

4 réflexions sur “Sacrées Sorcières, de Roald Dahl

  1. Je l’avais lu étant plus jeune et petite je ne me lassais pas de regarder le film ! J’adorais ! Je me referai bien une séance lecture et film du coup, ton article m’a donné envie ! ^_^

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